ROMAN D'ISRAËL
Un livre qui balaie les mythes

Par Michel Gurfinkiel - Éditions du Rocher
Résumé et commentaires par Laurent Murawiec


INTRODUCTION

S'il ne faut lire qu'un seul livre à l'occasion du 60e anniversaire de l'Etat hébreu, c'est assurément celui-ci. Dans son "Roman d'Israël", Michel Gurfinkiel résume quatre mille ans d'histoire juive et deux cents ans de sionisme - et renverse les uns après les autres tous les mythes de la propagande totalitaire arabe.


Ce qui me frappe le plus dans la « couverture » médiatique d'Israël et du conflit arabo-israélien, tout comme dans les vues qu'expriment sans cesse les hommes politiques et les intellectuels européens sur ce sujet, c'est un extraordinaire degré d'ignorance. En règle générale, les soi disant « experts » n'ont lu que deux ou trois livres, qui leur ont livré un « background » vite bâclé. L'histoire du Proche-Orient moderne, à leurs yeux, commence en 1948, sinon même en 1967.

Ils ne savent rien du judaïsme, de l'histoire du peuple juif, et s'en fichent royalement : les pires, à cet égard, étant ceux qui, d'origine juive proche ou lointaine, mettent un malin plaisir à mépriser la culture ou la religion de leurs parents et grands-parents.

Ils ne savent rien non plus de la théologie et de la jurisprudence musulmanes, de l'histoire de l'Orient depuis l'Hégire, des géopolitiques des Empires islamiques, et préfèrent s'en tenir à des clichés : la splendeur de l'Espagne musulmane - al-Andalus ! - ou la tolérance extrême que l'islam aurait constamment manifestée envers les autres « religions du Livre »…

Cet analphabétisme mène, fatalement, à des analyses sans relief ou des « décryptages » qui tournent à vide. Ils ont cru successivement à la modernisation de l'Égypte sous Nasser et à la symbiose islamo chrétienne au Liban, au caractère laïque de l'Irak baathiste et à l'élan démocratique de l'Iran khomeyniste, à l'ancrage proaméricain du wahhabisme saoudien ou à la volonté de paix de Yasser Arafat. Ils ont été sincèrement surpris par l'effondrement de leurs rêves. Ce qui ne les a nullement empêchés de continuer à vaticiner, en termes toujours plus tranchants.

A contrario, ce qui fait le prix de l'ouvrage de Michel Gurfinkiel, « Le Roman d'Israël », c'est le souci de la profondeur historique, de la longue durée, de la perspective, de l'aventure humaine. Le lecteur y découvre successivement les itinéraires des Hébreux, des Judéens, des Juifs, du judaïsme, de l'Israël ancien et de l'Israël moderne. Il rencontre les Juifs de Babylone, d'Alexandrie, les Ladinos expulsés d'Espagne, les foules du Yiddishland, la Palestine véritable – la juive et non celle qui fut inventée pour les besoins de la cause soviéto-arabe -. Il y trouvera de grands éléments de la théologie qui éclaire cette longue saga, une histoire rapide du sionisme – ce pelé, de galeux, d'où venait tout le mal - et l'histoire en miroir déformé de la haine arabo-musulmane envers les dhimmi , les inférieurs, les tributaires, les « protégés ». Le lecteur apprendra aussi avec étonnement que l'origine exclusive et unique du « conflit israélo-palestinien » est arabo-musulmane. J'exagère ? Lisez.

Le lecteur y trouvera également des indices, des traces, des développements qui permettront à qui est pourvu d'imagination et de curiosité de reconstituer en plus large l'immense histoire des Juifs, tant Michel Gurfinkiel s'est plongé avec bonheur chez les grands historiens et en a souvent tiré la substantifique moelle.

Reprenons, donc : apprenez ce qu'est Amalek, l'empire du Mal absolu, tiré des mystérieux Amalécites de la Bible, et pourvu de ces incarnations vouées à la destruction totale du peuple d'Israël ; que c'est l'Islam d'Espagne qui inventa le rouelle jaune, signe distinctif obligatoire, que les Nazis reprirent, après divers tueurs de Juifs du Moyen Age ; que Friedrich Nietzsche, auquel on fait souvent une mauvaise réputation, fit de l'antisémitisme un cas d'exclusion de l'intelligentsia européenne, alors que le libertaire de gauche Proudhon écumait de rage antijuive permanente, comme d'ailleurs Blanqui, Fourier, Jules Guesde, la fine fleur du socialisme français.

Découvrez comment au Moyen Orient, les Jordaniens firent sauter à la dynamite le vieux quartier juif (« Jérusalem-Est ») et même la vieille synagogue – ce qui permet aujourd'hui aux imbéciles de parler de la « Jérusalem arabe » et de s'insurger contre les « implantations » ; qu'en 1939, les 450 000 Juifs de Palestine représentaient le tiers des habitant, alors même que l'infâme gouvernement britannique, qui violait ainsi tous ses engagements internationaux, restreignait massivement l'immigration depuis des années , alors que cette population avait cru de 600 pour cent au cours du XIXe siècle, de 500 pour cent entre 1914 et 1939, et que c'est elle, et l'intense activité économique qui était sienne, qui attira une grande partie de la populations arabe venue de Syrie, du Liban et de « Jordanie » ; que les Mamelouks d'Egypte avaient antérieurement conduit une politique systématique de destruction de la côte méditerranéenne pour dissuader de futurs Croisés, ce qui ruina le « pays du miel et du lait » , en faisant ce paysage lunaire que décrivent les voyageurs du XIXème siècle. Quelle différence après qu’Israël eut transformé ces steppes caillouteuses et incultes !

Apprenez que c'est Yehudah Alkalaï, né en 1798 à Sarajevo, qui le premier énonça le besoin et l'idée d'un État juif en Terre promise, suivi de son tout juste senior Zvi Hirsch Kalischer, né en 1795, de Moses Hess (dont le livre de 1862 Rome et Jérusalem fit date), puis de Leo Pinsker. La ruée des Juifs vers la Terre promise précède en réalité d'un siècle la Shoah !

Et Lord Shaftesbury, homme d'Etat anglais, qui se fit l'infatigable partisan du retour d'Israël dans sa patrie, d'écrire en 1853, « La Grande Syrie [Liban, Syrie, Israël et Jordanie d'aujourd'hui] est une terre dépourvue de NATION, qui a grand besoin d'une nation sans terre », ce que confirment les données démographiques d'alors. La judéo phobie contemporaine, de l'extrême gauche et de l'extrême droite, et leurs « décrypteurs », journalistes, pseudo historiens et idéologues, qui attribuent cette citation à David Ben Gourion, en y voyant d'ailleurs un appel à l'éviction des Arabes, alors qu'il plaidait précisément pour la coexistence.

L'auteur fait également justice de la fable d'une continuité historique ininterrompue de la présence arabe en Palestine. Les villages « palestiniens » qui font tant pleurnicher les bonnes âmes, avec leurs vergers et leurs oliviers souillés par les vilains soldats israéliens, furent créés ou recréés au XVI ou XVIIème siècle par les Ottomans en important des Yéménites ou en fixant les clans bédouins. Ce n'est pas négligeable, mais on est fort loin des Cananéens, des Philistins… ou des Chrétiens et des Juifs qui en furent les habitants historiques.

Les Arabes de Terre sainte – que nul n'appelait alors Palestiniens, appellation réservée d’abord aux Juifs – ne manquaient pas au début du XXème siècle de nationalistes qui préconisaient une alliance anti-ottomane avec les Juifs de l'Empire, comme Salim Nadjar en 1908 ou en 1913 Daoud Barakat, rédacteur en chef d'al-Ahram, le grand quotidien égyptien.

Successeur de Shaftesbury, Lord Balfour émit la fameuse déclaration de 1917 en faveur du « Foyer National Juif ». Ce que le lecteur ne sait pas, c'est que la Société des Nations lui emboîta le pas, et les deux chambres réunies du Congrès des Etats-Unis, conduits par le sénateur républicain Henry Cabot Lodge. Le commun des mortels ne sait rien non plus de la constitution d'une manière de société secrète anglo-arabe qui se chargea de mettre sur pieds et de mobiliser une milice armée arabe afin de conduire les pogroms, dans le but de démanteler l'organisation juive de la Palestine, tant la haine des Juifs était déjà vive - le mot n'est pas trop fort - animait une grande partie de l'Establishment britannique.

A lire le livre de Michel Gurfinkiel, on assistera en effet aux violents pogromes déchaînés par le Mufti Hadj Amin al-Husseini, l'Amalécite arabe du siècle passé, en 1920, en 1929, et les massacres d'Arabes (2 000 morts au bas mot, dont une moitié de civils) qu'il déclencha contre ses coreligionnaires pour gagner un pouvoir total, à la manière hier d'Arafa,t ou aujourd'hui du Hamas si cher au cœur de Jimmy Carter, et des éditoriaux du Monde . On sera témoin des faits et gestes d'Ezzedine al-Qassam, soufi syrien proche des Frères musulmans de l'Egyptien Hassan al-Banna, proche du Mufti, et d'après lequel sont nommés, aujourd'hui, les missiles lancés chaque jour sur le sud d'Israël.

On observera également comment le monde, après une révulsion initiale devant les lois raciales nazies, s'habitua ensuite à l'horrible persécution, au point qu'en 1939, la Terre entière était une « planète interdite aux Juifs » – le moindre des complices n'étant pas Franklin Roosevelt. « Surtout, Mein Führer »,- Il ne faut pas qu'un seul Juifs survive, dit al-Husseini, et Hitler de répondre : « Pas un seul ». Ah, l'innocence arabo-musulmane dans le Crime de l'Holocauste ! Leur coup réussit presque en Europe ; si Rommel avait pris Le Caire, il aurait réussi tout son programme au Moyen Orient.

Faute de cela, les pays arabes et islamiques expulsèrent 900 000 juifs dont les communautés pré dataient souvent l'Hégire et les premiers califes, et sans aucun dédommagements matériels quelconques. Et l’on nous parle des « réfugiés » palestiniens, dont, (Gurfinkiel le note), la « condition » est devenue « héréditaire et inextinguible ». Sans parler des millions de soutien financier que l’Europe leur accorde – et à leurs millions de descendants - depuis plus de 50 ans ! En 1949, Mohammed Salah ed-Din, ministre égyptien des Affaires étrangères, déclara, résumé et symbole à l’appui : « Quand nous demandons le retour des réfugiés arabes en Palestine, nous entendons par là un retour en tant que maîtres et non en tant qu'esclaves [sic]. » Le but de ce retour est bien toujours de détruire Israël. !

Voilà ce qu'apprendra le lecteur, et bien plus. Voilà un livre qui a la richesse modeste et abondante. Voilà un balayeur de clichés concernant Israël !

« Le Roman d'Israël » (Éditions du Rocher). 307 pages, 19,90 euros.

Par Laurent Murawiec, 2008

FIN

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