Résumé par Philippe Gold-Aubert
des séances du congrès UIP tenues à l'Unesco (Paris)
les 19 et 20 avril 2002
PREMIÈRE SESSION
TROIS INTRODUCTIONS
On peut trouver une unité dans la diversité des religions. C'est une image de ce que l'humanité peut réaliser, de bien savoir que ce qui la sépare est moins important de ce qui peut l'unir.
On constate aujourd'hui une recherche de la signification en sciences, après le
20e siècle qui fut celui de la recherche qui fut plutôt en opposition avec la philosophie. Mais aujourd'hui c'est la science qui recherche une signification, même religieuse. C'est là une vérité que les scientifiques doivent maintenant s'approprier, sans cela il sera impossible de résoudre nos terribles problèmes actuels. C'est donc une question concrète qui concerne toute l'humanité.
Pour cette raison, 125 savants de tous bords se sont rencontrés et se sont écoutés en toute sagesse et rigueur scientifique ces dernières années, et ils ont décidé de faire de nombreuses conférences analogues à celle-ci dans diverses régions du monde.
I ASTROPHYSIQUE
1. Charles TOWNES - Prix Nobel en 1964 pour la découverte du laser. Prof. Uni. De Californie (Berkeley)
Chrétien, le conférencier a réalisé une interaction et une convergence entre sa recherche scientifique et sa foi.
Après Copernic et Galilée, puis Darwin, un fossé de 2 siècles s'est créé entre la science déterministe et la foi. Il semblait que Dieu n'avait aucune influence sur les phénomènes naturels. Hoyle a même dit qu'il n'y avait pas de début de l'Univers. Or, nous savons aujourd'hui qu'il y en a un, il y a environ 15 milliards d'années.
Bien sûr les croyances chrétiennes concernant une origine basée littéralement sur la Bible fixaient cette origine à quelque 10 000 ans, mais le fait qu'une origine existe repose bien des problèmes aux savants. Du reste, les postulats scientifiques exigent eux-mêmes une certaine foi de base. Et les idées, d'où nous viennent-elles? Ne sont-elles pas analogues aux révélations des grandes religions? Et en science aussi, l'on n'est jamais certain qu'une "conclusion" sera définitivement vraie.
D'autre part, de plus en plus de preuves existent que cet Univers est très particulier. Ses constantes physiques sont extraordinairement précises et nécessaires à notre existence; et seul un être particulièrement intelligent a pu concevoir, par exemple, le carbone parmi les éléments et ses propriétés extraordinaires qui sont indispensables à la vie. L'architecture de l'Univers même prouve donc l'existence de Dieu, et la cohérence de l'Esprit qui a tout organisé à la base. C'est pourquoi je suis un croyant chrétien.
Dire que la vie n'est due qu'au hasard est très difficile à démontrer. Certes, il reste des mystères, mais pourquoi les constantes physiques et astronomiques sont-elles ce qu'elles sont, et pourquoi sont-elles si exactement constantes? Le big-bang reste un mystère, et d'où viennent ces lois originelles? Enfin, qui a créé Dieu? Et pourquoi cette création matérielle? Les êtres biologiques ont-ils un libre arbitre? (non, nous dit la science) Qu'est-ce que la conscience? Et pourquoi sommes-nous uniques dans l'univers? (certes on imagine d'autres créatures pensantes, mais elles doivent être très rares, et leur existence est bien difficile à démontrer).
Il y a encore de nombreuses questions à nous poser, mais science et religion doivent faire front commun pour résoudre nos problèmes actuels. Je crois personnellement qu'il y a une grande force spirituelle dans l'Univers, les sciences devront en tenir compte davantage pour comprendre la signification de la vie, et évoluer inévitablement vers une compréhension mutuelle.
2. Thierry MAGNIN - Physicien, du CNRS (France) et prêtre catholique, Dr en théologie. Prof. de Physique quantique à Saint-Étienne. Auteur de plusieurs livres de science-foi.
C'est une chance de pouvoir ces jours faire un tel partage, dans une telle convergence. En effet il existe une attitude commune entre physique et religion. L'activité scientifique ou religieuse croit que l'Univers est intelligible! Il y a aussi un sens commun de recherche de la vérité. Et un droit à l'erreur, qui nous amène, tant en science qu'en religion, à l'humilité.
De toutes manières, mystique et science mènent à des représentations du monde qui font appel à notre imagination. Il faut décider une fois qu'est-ce qui doit être examiné. Préciser les inconnues, même si les méthodes de résolution sont différentes. Depuis que le scientisme autoritaire a été ébranlé par Einstein (mécanique quantique), on sait qu'il y a plus dans le tout que dans la somme des parties. Et nos théories ont dû accepter que quelque chose nous échappe. Il y a eu un changement des mentalités; une idée d'instabilité et d'incomplétude a pénétré les sciences.
Le conférencier cite ensuite 8 caractéristiques de la complémentarité, telles que :
En théologie : le Dieu de la Bible, à la fois personnel et impersonnel - son humilité et sa puissance - Jésus-Christ, à la fois vrai Homme et vrai Dieu - Les disciples du Christ à la fois abandonnés à Dieu et pleinement eux-mêmes - la Trinité, etc. Autonomie et communion doivent toujours être combinées simultanément.
En sciences : la réalité a toujours quelque chose qui résiste à notre compréhension - accepter positivement cette incomplétude en tant que moteur de recherche - accepter notre finitude, et qu'il existe un acte moral fort à respecter - c'est la confrontation avec le réel qui va construire le chercheur (aussi bien que le croyant) - s'ouvrir au mystère, en acceptant qu'on n'aura jamais fini de comprendre.
3. Hubert REEVES - Astrophysicien. Directeur de recherche au CNRS (France). Affecté au Commissariat de l'Énergie atomique (Saclay). Ancien conseiller scientifique à la NASA.
La science est née il y a 2 500 ans environ à Millet. La méthode scientifique a ensuite beaucoup progressé, mais dans cette méthode il y a en quelque sorte souvent une rumeur de transcendance. Newton, qui était très religieux, faisait état de petits coups de pouce de Dieu devant certaines anomalies incompréhensibles! Mais plus tard, Laplace n'en avait plus besoin. En voyant les miracles de la biologie de même, mais Darwin a effacé aussi dans ce domaine le besoin de Dieu.
Et aujourd'hui, la même situation se présente en astrophysique, avec le big-bang. Suit un chaos de 300 000 ans, puis une organisation atomique, etc., le tout dans une complexité de plus en plus grande, selon des lois de la physique qui sont très précises, et maintenant bien connues. Mais il y a le fait que si l'on changeait un tout petit peu ces lois, plus rien ne pourrait exister. Par exemple les niveaux d'énergie du carbone changés, et la vie ne peut exister!
C'est comme ça ou c'est voulu? Einstein l'a dit ainsi : "l'Univers savait que nous allions
venir". C'est le principe anthropique, ou principe de complexité. Et cela ressemble c'est vrai à une transcendance! Les physiciens disent NON, et ils imaginent maintenant qu'il existe des multiunivers avec toutes sortes de lois différentes, mais là il n'y a personne! C'est donc par chance que nous sommes là, disent-ils. Cette interprétation satisfait bien des physiciens, et personnes ne pourra jamais vérifier cette hypothèse, puisqu'elle fait appel à des univers incommensurables. Est-ce une fuite pour éviter un vrai questionnement? Dans ce cas, on perd la possibilité de trouver des choses importantes qui sont bien là, dans notre propre univers.
4. Joël PRIMACK - Prof. de physique à l'Uni. de Californie Santa-Cruz. Israëlite, il est l'un des inventeurs de la théorie de la Matière Noire.
Notre connaissance des choses dépend de notre perspective. Par exemple, que la Terre soit plate ou sphérique; ou actuellement du réchauffement de la planète ou de l'extinction des espèces, que ce soit juste ou stupide! En voici un exemple pratique :
Notre environnement spatial se remplit peu à peu de débris, ce qui devrait nous inquiéter. La tâche des scientifiques est de faire éviter une guerre dans l'espace qui détruirait notre avenir. En effet, au-dessus de 1 500 km, il y a déjà plus de 100 000 débris qui tournent sur nos têtes en orbites, rien que par les essais de sept (7) anti-missiles testés, pourtant interdits par le
traité ABM.
Ainsi, nos satellites seront de plus en plus en danger de rencontres catastrophiques avec des débris qui ont à des vitesses très grandes de grandes capacités de destruction. La future guerre des étoiles serait donc une catastrophe, surtout à cause de ces débris. Il faut faire connaître ce danger, et trouver dans le futur des dispositifs pour les éviter. D'autre part, faire accepter que cette morale touche surtout nos politiques qui vont dépenser bientôt des milliards pour polluer notre environnement céleste!
5. Khalil CHAMCHAM - Prof. à l'Uni. Hassan II-Ain Chock de Casablanca. Musulman, Dr en physique nucléaire à Lyon, et Dr Uni. Sussex (Angleterre), en Astrophysique, en 1995.
Quête de science, quête de sens, je dois changer mes regards tant sur les objets que sur moi-même.
Notre travail scientifique nous a fait découvrir dans la Voie Lactée, par exemple, des nuages intergalactiques, des forces de gravitation et thermiques en recherche d'équilibre, et que par leur déséquilibre naissent de nouvelles étoiles...
Dans mon cerveau, mon esprit s'est éveillé au phénomène, les mesures sont donc conditionnées par ma pensée. Si nous remontons dans le temps, nous pouvons nous demander ce qu'un dinosaure pensait de l'univers. Et si les regards portés sur un phénomène avaient une influence sur notre cerveau et sur l'univers?
On sait que l'expansion de l'Univers est en accélération. L'évolution biologique est-elle liée à cette évolution spatiale? Les 4 dimensions de l'espace-temps sont-elles suffisantes satisfaire mes pensées, certainement NON! Notre regard implique une Conscience qui observe. Ceci sans hiérarchie, mais c'est bien un principe fondateur. Qu'est-ce qui fait qu'en un lieu et en un temps précis une chose se produit? Est-ce un cerveau, ou un regard intérieur? Cet espace-temps se sent-il observé? Les différentes révélations et religions appartiennent-elles seulement les unes aux autres comme différents phénomènes de l'espace-temps, ou transforment-elles notre regard sur l'autre? Pour moi, c'est le regard du Christ qui change mon expérience de musulman, c'est certain.
TABLE RONDE DU MATIN
et réponse aux questions
M. Lothar SCHAEFFER anime la Table ronde, groupant huit (8) personnes. L'Univers devient une grande pensée, plutôt qu'une grande machine, comme on le croyait jusqu'ici. Le 20e siècle nous a appris que la réalité n'est pas ce qu'elle paraît être. Le hasard et le surnaturel deviennent évidents, alors, est-ce de la philosophie, ou est-ce de la quête de sens?
L'homme analyse les phénomènes depuis sa place et constate ses limites : l'origine nous échappe, et de plus nous entraîne vers un Au-delà (?) - sagesse et religion.
La mécanique quantique pose des problèmes qui ne sont pas très naturels pour nous. Mais bien d'autres choses dans l'Univers nous dépassent maintenant aussi. Ce que nous essayons plus de comprendre maintenant c'est la SIGNIFICATION de toutes ces choses. Est-ce une nouvelle dimension? Pourquoi pas!
Il y a plus de choses inconnues dans l'Univers que de connues. Nous ne savons même pas quand un noyau atomique va se dégrader, nous savons seulement comment il le fera. De même, il semble que la conscience semble venir des relations entre nos neurones, mais nous ignorons quand et pourquoi elles se déclenchent... Nos principes spirituels ne proviennent-ils pas plutôt d'une origine spirituelle?
La physique atomique décrit très bien la réalité; nos idées sont basées sur nos expériences dans le visible, mais elles sont simplistes. D'abord, il y a une place pour le hasard dans la réalité. Ensuite, ce n'est pas à nous de dire à quel moment il va agir.
Naturel ou surnaturel? C'est un vocabulaire ancien; il faut plutôt dire maintenant : Hasard pur, ou programmation? Car tout ce que nous voyons est organisé par les lois de la physique, mais au-delà? Maintenant toutes nos idées vont rapidement évoluer, on comprendra tout autrement.
Cette question vient de Platon : <d'une table vient l'idée de "table">, et l'une comme l'autre existent. De même aussi, l'atome et l'idée de l'atome. Ces deux choses existent simultanément. L'équation est possible pour l'objet; mais pour l'idée, c'est bien l'esprit qui seul intervient.
Plutôt que d'exclure les mots, il faut mieux les définir. Ainsi le mot "transcendance " = réalités au-delà des choses observables. On ne verra jamais les particules atomiques, mais on peut les considérer comme réelles, donc il ne faut pas trop vite déclarer quelque chose comme surnaturelle. Souvent, en utilisant mieux nos données scientifiques, elle sera définie plus tard comme naturelle.
Quelques questions soulevées :
Q- Pourquoi existe-t-il encore des guerres de religions si cruelles de nos jours? Comment croyants et scientifiques peuvent-ils se rapprocher aujourd'hui?
R- Quant à la première question, la science n'est pas arbitre, mais peut être un lieu de questionnement commun; il faut accepter des deux côtés que nous n'ayons pas la vérité absolue, et créer une ouverture relativisant la valeur de nos principes. On doit regretter que beaucoup de conflits concernent en réalité pouvoir et possession. C'est très humiliant, même au sein de la chrétienté. Aujourd'hui le conflit juif/musulman n'est qu'un problème de possession et de pouvoir. Nous sommes tous des enfants d'Abraham, mais lui n'a pas sacrifié son fils, et nous nous ne devrions pas sacrifier nos enfants.
Un musulman répond : la quête spirituelle est plus importante que la religion. La religion n'est qu'une seconde étape; c'est en moi que se fait le travail, car le mal est là EN MOI. C'est à l'intérieur que tout se passe. Notre groupe inter-religieux m'a amené à penser que le visage du Christ est le vrai moyen de nous rapprocher. C'est un héritage historique, et sa présence spirituelle nous libérera de nos conflits. (applaudissements).
Q- Parlant de dogmes (en religion comme en sciences) La science est plus forte, car elle finit toujours par sortir de ses dogmes, elle a plus de capacité d'en sortir que les religions.
R- Dans toutes les questions importantes, c'est vrai, il faut faire des choix, et ne pas dogmatiser. Le dogme dit :
"On sait ce qui est vrai". La science dit plutôt : "Je réfléchis pour trouver le
vrai".
Déterminisme ou libre arbitre? Pourquoi les opposer? Dieu ou Sans dieu? Moi, chrétien, mes amis me disent que je n'ai plus de libre arbitre! NON, je peux quand je le veux lever ma main! De même, personne ne peut prouver que mes expériences spirituelles personnelles sont fausses.
Q- Pourquoi avez-vous parlé des déchets dans l'espace? Qu'ont-ils à faire dans cette conférence?
R- J'ai voulu souligner que dans bien des situations actuelles, c'est l'humanité entière qui doit justifier son unité d'action, pour éviter que se produisent quantités de choses stupides, voire irréparables. Car pour moi, la quête de sens n'est pas seulement abstraite, mais doit aboutir à un changement de tous nos comportements.
- Fin de la première session -
2e et 3e SESSION
BIOLOGIE et NEUROSCIENCES
(après-midi du 19 avril 2002)
Werner ARBER - Prof. de Microbiologie moléculaire à l'Uni. de Bâle (Suisse). Prix Nobel de Médecine, pour sa découverte des enzymes de restriction . Sa recherche a été très importante pour notre compréhension de l'ADN.
Son exposé comprend 2 parties :
I) Quelques données sur l'évolution biologique depuis l'ère pré-scientifique. Darwin (1859) Mendel (1866) et Mischler (1974) en sont les racines. En 1940, la synthèse permet la théorie de l'évolution, et Mischler nous a mené à l'ADN, et à la connaissance de sa structure, enfin la génétique moléculaire nous conduit à nos jours.
L'orateur a présenté divers tableaux assez rapidement, expliquant entre autres, les mutations qui sont des altérations de la séquence de l'hérédité. Elles peuvent être spontanées ou provoquées. Elles augmentent la diversité génétique, mais pas toujours favorablement.
Il existe trois (3) stratégies naturelles :
Divers facteurs jouent pour favoriser ces évolutions : par exemple, l'instabilité de certaines structures chimiques, les enzymes n'agissant que sur certaines formes particulières - la recombinaison de gènes de l'ADN qui sont prévisibles par des expériences, donc pas tout à fait aléatoires - etc. En conclusion, les gènes qui contribuent à l'évolution sont généralement des gènes occasionnels.
II) Philosophiquement, on a pris souvent d'étranges libertés avec l'interprétation des textes bibliques qui sont une vraie base pour nous chrétiens. Dans la Genèse pourtant, on constate toutes les étapes successives de l'évolution. Bien sûr, la Bible ne parle pas de bactéries (alors inconnues), mais commence par la terre vide, les plantes, les astres visibles, la faune marine, les oiseaux, et enfin l'homme qui est "à la ressemblance de Dieu"; surtout en tant que créateur et responsable. Et la Bible nous donne la généalogie d'Adam et Ève, chaque personne présentant ses caractéristiques particulières. Dieu dit que cette création était bonne. La variance génétique est bonne, Dieu approuve cette dualité dans le génome. Ce n'est donc pas l'homme qui décide de la modification des gènes! Les mutations varient suivant les conditions de la vie. Le Bien et le Mal sont mélangés. Enfin, Jésus-Christ est venu pour nous aider, à sauver les démunis, les malades; il nous a révélé que Dieu est Amour. Diverses influences existent aujourd'hui, qui agissent sur nos comportements et compréhensions, telles que :
La sélection naturelle peut être comprise à plusieurs niveaux. On peut y voir un sens évolutionniste. En tous cas, c'est la mort qui permet l'évolution. Mais pour notre vie, je pense que les dix commandements ont été très importants pour l'évolution de l'humanité; comme par exemple la notion du 7e jour du repos; ou le respect des parents, suivi d'une promesse de longue vie. Ces bases restent indispensables, et doivent le rester dans l'avenir de l'humanité.
Christian de DUVE - Fut prof. aux Université catholique de Louvain (Belgique), et Rockfeller de New-York. Prix Nobel de Médecine 1974, pour ses découvertes sur le fonctionnement de la cellule. A présenté de nombreuses réflexions sur l'origine et l'apparition de la vie, en tant qu'athée.
La vie reste un mystère; deux notions s'affrontent, le vitalisme et le finalisme. Aux seules explications physiques et chimiques, il faut bien ajouter "un facteur qui pousse vers quelque chose", en fonction d'un plan (Intelligent Design). Cette seconde partie n'a pas beaucoup d'impact chez les scientifiques, mais naturellement chez les gens religieux, qui veulent prouver que la science s'approche de leur foi.
L'auteur attire notre attention (avec l'aide de tableaux) sur le paradoxe des séquences dans les protéines. Ce sont de longues chaînes d'une vingtaine d'acides aminés, qui permettent la construction de 20 milliards de protéines possibles. Et la vie n'en utilise que quelques séquences. On pourrait penser qu'elle aurait été guidée pour choisir les plus utiles. Mais tout s'est passé autrement. En réalité, la vie a commencé par de très petites chaînes, puis les a rassemblées au sein des êtres vivants supérieurs. Il y a donc eu recombinaisons et sélections successives; et ainsi la vie a pu trouver le peu de molécules valables pour se développer.
Concernant l'évolution, qui a passé des procaryotes aux eucaryotes, puis aux animaux et à l'homme, il y a eu diverses bifurcations en cours de route. Les fourches sont dues à des mutations, fort utiles vu les conditions de l'environnement, et continuées par la sélection naturelle. Les mutations sont des accidents; elles ne viennent pas pour créer des structures particulières. S'il fait plus chaud, ce sont les protéines les plus résistantes à la chaleur qui vont dominer, naturellement, etc.
Ici, les défenseur d'un "dessein intelligent" expliquent que c'est impossible par le seul hasard. On peut comprendre leurs arguments, mais la "chance" n'exclut pas l'"inévitabilité". Par exemple, une pièce de monnaie lancée 10 fois retombera à 99.9/100 sur l'une ou l'autre face. De même pour tous les jeux de hasard, les loteries, etc. Eh! bien, l'évolution fonctionne exactement comme cela. On constate du reste que les modifications génétiques sont assez fréquentes. Par exemple, l'Hôpital est vraiment le lieu idéal pour se faire infecter par de nouvelles bactéries! La résistance aux antibiotiques y est bien plus fréquente qu'ailleurs. En effet un individu microbien résistant va y apparaître facilement et se multiplier, dans ce milieu favorable. On a vu le même phénomène avec le DDT. Des souches résistantes n'ont pas tardé à apparaître parmi les insectes; etc., etc.
L'auteur présente finalement un arbre de la vie, tel qu'on peut l'établir aujourd'hui après 4 milliards d'années d'évolution. L'environnement a donné l'évolution horizontale par le hasard - et l'évolution verticale vers la complexité par les propriétés des génomes. Nous n'avons notre place au sommet que parce que cet arbre s'est taillé à mesure. Il reste 1-5 milliards d'années pour que la Terre reste capable d'héberger encore de la vie. Quel est l'avenir de cet arbre? Soyons modestes, d'autres sommets viendront s'y ajouter, nous sommes tout à fait remplaçables, si naturellement nous ne faisons pas des erreurs irréparables par notre nouveau pouvoir de manipuler la vie. Oui, un dieu joue aux dés! et parfaitement.
Kenneth R. MILLER - Prof. de biologie moléculaire à l'Uni. de Brown (USA) Spécialiste du développement cellulaire. Auteur de plusieurs manuels scolaire, il s'est impliqué dans la lutte contre le Créationnisme aux USA.
En été 1999 le Kansas a voté pour éliminer le darwinisme dans les écoles. Notre conférencier a beaucoup lutté pour y remédier, en particulier en faisant remarquer que Darwin lui-même était un croyant! On a cru que Darwin était une menace contre Dieu et sa création, mais peut-on vraiment éliminer l'évolution?
Un exemple : les flagellés ont une structure très délicate. Ils ont neuf (9) groupes de microtubules. Cette complexité est irréductible, car si on en supprime un, plus rien ne peut fonctionner. De même pour beaucoup d'autres exemples en biologie. Il existe vraiment une fonction pour chaque élément particulier.
Pourquoi a-t-on cette réticence envers l'évolution? Car le mouvement va avec le temps. C'est dû a une fausse interprétation religieuse de l'évolution. On dit aux USA que Darwin a enlevé le pouvoir de Dieu. Mais l'évolution nous permet au contraire de tirer d'excellentes conclusions concernant cette création. L'évolution est aussi fantastique qu'une création magique, telle qu'ils la conçoivent.
Certes l'évolution présente aussi de nombreux problèmes, tels que :
Mais le hasard existe lui aussi! Il donne l'exemple de son père soldat qui part pour la Normandie, qui a dansé au lieu d'aller avec ses copains au cinéma. Eux sont morts, lui en a réchappé, et y a rencontré ce soir-là sa femme, ce qui fait qu'il est ici lui-même!
Même Saint Thomas d'Aquin admet le côté aléatoire d'un Dieu bon. Dieu agit par des processus naturels selon des lois naturelles. Et pour un être éternel, le temps n'existe pas. Une évolution lente est donc parfaitement normale. Et tous les organismes sont mortels, inévitablement. Vouloir faire évoluer le monde hors de ses lois naturelles paraît impossible. Selon Teilhard de Chardin,
"une théologie chrétienne est impensable sans l'évolution". DIEU a choisi l'évolution pour nous faire connaître de nombreuses formes de vie.
Quant à la Genèse, admettre une création instantanée de tout à partir de rien n'est pas logique. Du reste, Genèse 1 suit exactement la suite logique de l'évolution. Saint-Augustin en 411 a écrit quelque chose de remarquable :
"le non-chrétien peut connaître Dieu dans ses oeuvres". La foi et la science sont parfaitement compatibles, mais il faut bien enseigner l'évolution, et ne pas le faire contre Dieu.
Thomas ODHIAMBO - Brillant entomologiste Africain, président de l'Académie africaine des Sciences. Fondateur de la "Third World Academy of Sciences". Spécialiste des religions traditionnelles africaines.
En réalité, nous sommes tous des Africains! En effet, la spiritualité dépend de la réflexion, et la logique doit y jouer un rôle. Si les lois scientifiques sont exactes (c'est aussi une foi!), elles demandent elles aussi une vision au départ, de l'intuition chez le chercheur, ainsi que dans l'élaboration de ses conclusions. De la même façon pour la spiritualité, la lumière jaillit de l'intuition.
Nous pensons maintenant que, dans l'Univers, l'être humain est porteur d'une présence spirituelle. Il peut donc avoir le contact avec des esprits. Dans la Société africaine la communauté est plus importante que l'individu. L'union avec les esprits crée une amélioration de l'environnement. Dans un district de Stockholm, on a montré qu'un bon réseau d'enfants et de vieillards empêche la maladie d'Alzheimer, ou d'autres maladies dues à l'âge. Vivre seul peut être grave, mais de bonnes relations sociales sont capitales pour éviter diverses maladies mentales.
Ce qui donc est capital c'est le réseau social, qui mobilise nos qualités cognitives. En Afrique, c'est très important, et cela fait partie pour nous de la sagesse. Chez nous, cette communion ne s'étend pas qu'aux vivants, mais elle englobe les morts et l'ensemble des générations. L'individu doit être connecté avec le tout, et il n'est jamais seul. Et la matière, comme l'esprit, sont liés à Dieu, et cette connaissance préoccupe toute la communauté.
La science, en Afrique, doit aussi croire passionnément à l'Univers avec Dieu; car l'Africain ne peut expliquer autrement tout ce qu'il voit. Et ce partage avec Dieu est spirituel, et non pas le fait d'une religion. L'esprit, la force de vivre, s'intègre ainsi dans tous les aspects de la vie. Dieu est donc proche, et Il communique avec nous.
Votre Société de consommation est incompréhensible en Afrique! L'Homme n'est pas qu'un corps physique, il est une essence, une force vive pour communiquer avec d'autres esprits. Cette communion avec l'Être suprême peut produire des innovations extraordinaires.
Certes, on peut parler du pouvoir de la science qui a chassé bien des erreurs dans le monde, mais il faut ajouter à l'observation des faits, et à l'utilisation de la raison cohérente, la foi, qui elle n'est pas démontrable. Sans cela la science est basée sur une vérité non scientifique! En effet, la foi dans les lois de la Nature, nous fait pressentir que l'homme lui-même est une extension de l'Univers. Dieu nous donne l'autorité de révéler les connaissances, donc bien plus que la seule science matérialiste!
En conclusion, on peut dire que la foi avec la connaissance et le partage en communauté, devient une puissance qui va bien au-delà du matériel. La science sans la religion est unijambiste, et la religion sans la science est aveugle.
Stephen KOSSLYN - Prof. de psychologie à l'Uni de Harvard (USA) et prof. associé au département de Neurologie au Massachusetts General Hospital.
Je voudrais soulever une question de conscience en parlant du cerveau, et de l'esprit écologique. Nombre d'objets ou d'actions sont munis de sens.
De nombreux objets de notre environnement laissent des images dans notre cerveau, et même sans qu'on les voie. Le sens provient de nos associations : après 2-3 fois l'objet prend figure d'expérience. En fermant simplement les yeux vient l'image, qui reste ensuite dans notre mémoire. Des coupes du cerveau l'ont montré, des sites précis sont activés par nos images mentales, avec ou sans l'objet cité. Nos images mentales ressemblent beaucoup à l'objet tel qu'on le verrait s'il était réellement présent.
Ainsi nos actions munies de sens proviennent de nos représentations, même sans les objets auxquelles elles se rapportent. Le monde extérieur augmente nos capacités, et le groupe est plus efficace que l'individu isolé. Le sens exige un effort; c'est analogue au fait que la limaille de fer mise sur une feuille de papier par-dessus un aimant, doit être agitée pour se disposer selon les lignes de forces, sans cela on ne les voit pas.
Le sens implique l'éthique qui a un certain coût pour procurer un bénéfice social. Dans le système social, la parole peut augmenter le sens. Toute action munie de sens peut avoir soit un sens bénéfique, soit un sens maléfique; d'où l'importance pour l'écologiste d'une éthique reconnue par tous.
Praven CHAUDHARI - Deux fois prix Nobel. Expert des traditions de l'Inde Veda. Doctorat au MIT, puis directeur de recherche d'IBM en 1981, et vice-président en 1982. Actuellement au C.A. de l'Académie des Sciences de New-York, et Président du Centre Internat. de Physique, à Trieste (Italie).
Il nous donne son expérience de spiritualité hindoue.
D'où vient cette énergie originelle? Car la science me dit que ni le temps, ni la matière n'existaient avant le big-bang. Qu'y avait-il avant le monde matériel, un monde spirituel?
Il existe un désir profond des hommes de comprendre le pourquoi de la vie. C'est un état d'être illimité, par la présence en nous de l'esprit. La science et la spiritualité ont le même objectif : comprendre la réalité. En science, on utilise des expériences, élabore ensuite des théories, que l'on contrôle pour essayer de comprendre le sens. Mais c'est du réductionnisme. Et il faut beaucoup de patience, de persévérance, de volonté, etc. pour satisfaire un peu notre raison. En spiritualité, il faut aussi observer
- mais nous même - c'est aussi un réductionnisme. Il y a une unité en nous, nous la recouvrons souvent. Le Christ l'a dit aussi : la vérité est en nous.
Comment retrouver la Lumière? Jésus dit aussi que la voie est étroite, et la porte aussi. Nous disons que nous sommes sur une lame de rasoir. Dans diverses cultures nous avons la même vision. Ce qui importe, c'est de trouver pourquoi nous avons perdu la bonne voie!
Un bébé, formé par ses gènes et son environnement ne vit que pour son seul plaisir. Et nous restons souvent ainsi liés à des illusions du dehors, qui nous rendent esclaves et qui nous déterminent. Comment revenir en nous même et évoluer? Il faut d'abord éliminer toutes nos illusions. C'est difficile, mais davantage possible sur la fin de notre vie. Bouddha a dit :
"la sagesse parfaite ne peut pas être pensée". Et depuis Platon tous vos sages vous le répètent : il faut ouvrir vos cours à cette expérience profonde. Ensuite, vous ne pourrez plus revenir en arrière, et votre marche ne s'arrêtera plus jamais.
La science et la spiritualité ont les mêmes buts : trouver l'essence de la réalité.
En science, vous avez aussi des émotions, de l'amour, de l'art, de la créativité; vous êtes amoureux de votre découverte, votre âme est ouverte. Et merci pour cette petite lumière. Mais ensuite l'égoïsme revient, sous différentes formes.
En spiritualité de même, d'abord c'est l'amour qui nous pousse à commencer ce voyage vers la vérité. Saint Jean de la Croix parle d'une "nuit bénie". Saint Augustin aime de soleil, et nos sages hindous toute la Nature. Les sentiments et l'amour peuvent exister en science comme en spiritualité.
En conclusion, la science est liée à la liberté et sa lumière élimine l'ignorance. La spiritualité elle nous élève par la beauté, et nous fait aller vers La Source. Allons-y! Pourquoi gâcher notre temps? Il y a plus en nous que l'espace et le temps, la joie pure est en nous avec la conscience pure. Comme l'ont dit autrefois aussi bien Bouddha que Jésus :
"La liberté vous affranchira!". Et ce sera pour vous la fin de la peur vous empêche d'avancer. Mais d'abord, il faut perdre toutes nos illusions, arriver à la conscience pure - à la non action.
Hendrik BARENDREGT - Prof. à l'Uni. de Nijmegen (Pays-Bas) de mathématiques et de Sciences informatiques. Membre de l'Académie des Sciences hollandaises. Devenu bouddhiste.
Essai de comparer la science et le bouddhisme. Ce qui l'a attiré, c'est l'absence de dogmes dans le bouddhisme. Notre bonheur dépend si nous nous plaisons dans notre situation ou non. Sinon, on cherche alors à combler notre manque, et notre subconscient passe par les montagnes russes de la souffrance. Seule la discipline peut les atténuer, jusqu'à la liberté. Alors, la concentration nous permettra ensuite d'aller plus loin.
Ici à l'Unesco, on prône l'éducation. Elle est en crise notoire, et il y a de moins en moins de contrôle de qualité dans la formation, aussi bien des professeurs que des élèves. Les étudiants sont peu intéressés par leurs études, mais davantage par l'attrait immédiat du monde moderne. Leur but est avant tout de survivre et de jouir égoïstement. Tous les mammifères (mais souvent pas l'homme) apprennent à leurs petits comment communiquer. Seule la spiritualité pourrait tout réunir, et solutionner tous nos problèmes.
Il faut faire une évaluation de nos erreurs. Recevoir un enseignement collectif et individuel. Le second est plus facile et efficace. Il s'agit d'une éducation personnelle, sans punition ni récompense, qui demande une persévérance dans divers exercices. La spiritualité se développe soit par l'art, soit par la religion. Mais d'abord, il faut faire l'état de nos erreurs et acquérir une vraie discipline pour progresser.
- Fin des 2e et 3e sessions -
4e SESSION
PHYSIQUE
Ramanath COSWICK - Dir. Gr. Gravitation, Instit. TATA (Bombay), et de l'Instit. d'Astrophysique de Nangalore. Il a fait construire le plus haut observatoire du monde.
Deux personnes dominent le 20e siècle : Einstein et Gandhi. Le
1er a modifié notre compréhension et de l'espace-temps (réalité quantique); le
2e, grand leader spirituel, nous a laissé un message qui est encore plus important maintenant qu'autrefois. À noter : leur complémentarité.
La science et la spiritualité ont ceci de commun qu'elles sont impartiales (empathie universelle). Où est le Centre de l'Univers? L'étoile le plus proche est à 1011 AL (années-lumière) , le diamètre de la Voie Lactée est de 1023 AL. et notre Univers est de quelque 15 milliards d'AL. Au big-bang, il avait une température très élevée, puis il s'est refroidi peu à peu; et il ne comportait alors pas d'atomes. Après 1 million d'années, il n'y avait pas encore d'éléments lourds, mais seulement des neutrons et des électrons. Puis se forma l'hydrogène et les protons, soit 2% de la matière visible pour environ 25 % de la "matière noire", invisible. Puis se formèrent les galaxies, vint la synthèse du carbone, de l'azote et de l'oxygène, puis des autres éléments jusqu'à l'uranium. Enfin vint notre système solaire, il y a 4,6 milliards d'années. Et notre univers est en expansion accélérée actuellement.
Quant à la vie, nous savons qu'elle a commencé il y a 3,5 milliards d'années, elle est en complexité continue, tel un étonnant édifice. Nous avons naturellement un rapport intime avec ce vaste Univers, dont nous sommes en quelque sorte le produit fini. La spiritualité d'Einstein dépendait de ses découvertes; et son concept de "dieu" n'était pas personnel, mais il était convaincu d'un plan universel. Pour lui, l'Univers est une unité. Einstein fut un grand admirateur de Gandhi, qui comme lui exprimait un Être cosmique. Science et spiritualité doivent travailler ensemble et s'exprimer dans leur compassion pour l'Homme, à la recherche de la paix sur la Terre, en harmonie avec l'Univers. La Science cependant est l'image du désenchantement, car nous pouvons détruire ou construire indifféremment avec elle. Seule la recherche de la vérité et de l'Amour, selon Tagore, peut nous donner la vraie solution.
Tringh Xuan THUAN - Astrophysicien vietnamien. Prof. d'Astronomie à l'Uni. de Virginie. Spécialiste de la formation des galaxies Nombreux ouvrages de "vulgarisation". Science et bouddhisme.
La Science est le langage mathématique de la Nature. Pour cela, nous devons décomposer en morceaux la réalité (réductionnisme). Le bouddhisme est une autre approche de cette réalité; il a pour but la connaissance, et la thérapeutique par la Voie de l'Éveil. C'est une connaissance suprême de la Vérité, avec une transformation intérieure qui produit la compassion. Il a bien connu et fréquenté Matthieu Ricard, un scientifique français devenu moine bouddhiste, spécialement dans leurs marches dans les Pyrénées. Science et bouddhisme ne peuvent que se rencontrer puisque leur but est le même : la Vérité. En voici des exemples dans le principe de la relativité (Galilée, Einstein) :
Dans un train, rideaux fermés, rien ne vous dit que vous êtes en voyage - Deux particules atomiques qui ont réagi se souviennent toujours de leur dépendance (non séparabilité) - Le pendule de Foucault et le cosmos - Rien donc n'existe en soi, ni n'est sa propre cause (principe de Mach) - L'apparence d'une particule dépend aussi de l'opérateur, etc., etc.
Pour le bouddhisme aussi nous sommes tous interdépendants avec toute la nature. La poésie aussi nous rassemble. Le scientifique s'arrête à ce constat, mais le bouddhisme va plus loin : jusqu'à la compassion. Le concept de vacuité qui le caractérise, c'est que rien n'a d'existence par soi-même (mais ce n'est pas du nihilisme!) Le cosmos est constitué de flux dynamiques en changements constants (ce que dit aussi la science moderne). Avant, pour Aristote par exemple, le ciel était immuable et fixe; depuis le big-bang tout est en mouvement. De même, nous allons toujours en mouvement du berceau à la tombe. Il y a impermanence, de l'être à l'étoile. Tout est en mouvement. Et même ici des milliards de particules nous traversent constamment. Il existe beaucoup de convergences entre la science moderne et le bouddhisme.
Mais il y a aussi des divergences. Ainsi la science nous dit que la conscience émerge par nos réseaux de neurones. Pour le bouddhisme, le flux de conscience coexistait avec la matière dès le début du temps et de l'espace. Le principe anthropique en science pense que le réglage précis de l'univers indique un commencement organisé; pour nous, il n'y a pas de cause première, pas de commencement, pas de dieu. L'univers est cyclique, il y a eu un big-bang, il y aura un big crunch, et cela recommencera. Le bouddhisme ne cherche pas à répondre aux questions existentielles. Il n'existe pas de "dieu" qui fasse des lois, mais sa manifestation est partout dans la Nature. C'est une autre voie pour appréhender la réalité.
La science non plus n'a rien à dire sur la morale ou l'éthique; par exemple sur l'énergie atomique bénéfique du soleil ou notre bombe atomique, elle ne nous fait que connaître le monde, et ses applications nous font voyager ou communiquer. Elle ne peut donner à l'homme que davantage de confort. Mais rien sur la morale. On le voit bien maintenant avec les problèmes génétiques, le clonage, etc. Mais seule la spiritualité peut transformer notre comportement personnel. La religion du futur sera cosmique, embrassant le naturel et le spirituel. Le bouddhisme répond à cette vision.
(Suivent des danses sacrées par une française philosophe, Manochhaya, devenue bouddhiste, sur des musiques orientales), une pause café, puis...
Bernard d'ESPAGNAT - Physicien théoricien , Prof. Uni. de Paris XIe. Membre de l'Académie des sciences Morales et Politiques.
1er physicien théoricien nommé au CERN (Genève).
On parle ici de "science et sens". Je crois qu'il y a plusieurs sens. On peut comprendre le fonctionnement d'un moteur, ou comprendre son prochain, par exemple. Le
2e sens sera le mien, ici. On constate que, depuis des millénaires déjà, l'homme a été poussé à extrapoler son expérience avec l'Absolu, car aux racines de toutes les religions on trouve cette recherche. Jadis c'était naturel, car on était plongé dans une nature inquiétante et mystérieuse qu'il fallait sans cesse essayer de dominer. Maintenant, citadins en majorité, nous sommes surtout en contact avec des produits fabriqués par l'homme! Mais nous continuons à extrapoler notre expérience à l'univers. De plus, il essaie maintenant de tout construire selon le premier sens : comprendre sa machine. C'est la philosophie mécanistique qui (en réalité) stérilise le sens!
Comment alors retrouver le Sens? Alors, cette mécanistique est-elle fausse ou vraie? C'est vrai que pour la vie de tous les jours, elle suffit; et en biologie moléculaire aussi! Mais est-ce La Vérité? Si oui, alors il faut l'adopter, c'est tout. Mais la physique moderne nous dit : Non! Notre modèle certes est excellent, mais insuffisant. Pendant plus de
2 000 ans on croyait que la Terre était au centre de tout l'Univers. Ca marchait très bien, mais c'était faux! Et maintenant la physique n'est pas la description de toute la vérité : l'Être y échappe. C'est une grande découverte de la physique qui est une science humble (plus que d'autres sciences). Descartes lui-même était dualiste - bien qu'il soit le père de la physique! La connaissance des mécanismes s'est développée universellement, et l'on pensait alors TOUT comprendre (Scientisme), ce qui a beaucoup discrédité la philosophie. Maintenant, on voit que l'athéisme pèche par une absence de sens. Cette réalité devient plus ou moins importante pour chaque chercheur.
On sait que la physique nécessite la connaissance mathématique. La relativité par exemple procure un modèle platonicien de l'être. La science devine la beauté du monde, mais le physicien se retrouve ni plus ni moins qu'un primitif dans la forêt, sans rien comprendre des autres aspects du monde. Tout homme éprouve l'inanité des désirs, et voudrait vivre la totalité de ce qui aurait un sens supérieur pour lui.
Il existe encore d'autres voies quand on parle de "sens". Il ne faut par pour cela mépriser les mathématiques, mais considérer qu'elles ne sauraient recouvrir le totalité du réel. On reste insatisfait, avec Einstein, de ce manque d'intentionnalité et d'affectivité. Mais les religions, elles, devraient comporter ces éléments-là. Car la physique est simplement descriptive - même si la mécanique quantique est quelque peu prédictive - elle manque de ces divers sens. Il ne faut donc pas avoir un blocage pour chercher plus loin et se réfugier dans un "on ne sait pas encore". Il ne faut donc pas se fermer à une vision religieuse complémentaire qui donne du sens à la vie.
Paul DAVIES - Prof. au Imperial College de Londres, et prof. associé à l'Uni. de Quensland (Australie). A publié plus de 25 ouvrages spécialisés et vulgarisés.
Nous pouvons entrevoir la pensée de Dieu, après toutes nos découvertes en sciences. On croyait que la science pouvait résoudre presque toutes nos questions, puisqu'elle n'est plus celle seulement de Galilée. Les cultures anciennes (grecque et autres) savaient déjà qu'un ordre existait dans la Nature. La vie n'est pas un phénomène sans sens. Certes on a créé des modèles fondés sur nos connaissances mathématiques modernes, mais dans la perspective judaïque déjà, il y a Dieu qui fonde l'Univers. Et cela selon un processus historique, dans un temps linéaire, avec un début, un temps, et une fin. Cette mythologie de base était acceptée par beaucoup, et ce système de foi d'un monde créé par Dieu constitue la base des croyances juive, chrétienne et musulmane.
Et si Dieu avait fait un choix? C'est ce que disent ces 3 religions. Einstein révérait l'ordre du cosmos, mais il n'allait pas plus loin. Et les physiciens actuels avec leur vison de l'ordre du cosmos si logique, disent qu'il n'y aurait aucun choix. Mais c'est erroné!
Certes, on peut bien imaginer d'autres univers, avec d'autres réalités, mais c'est le ferment des religions monothéistes qui a permis l'essor même de la science moderne! Au début, on croyait encore à l'Esprit de Dieu, la science étant un peu le cerveau de Dieu. Mais maintenant la dimension spirituelle a disparu. Pourtant la science fait un acte de foi aussi en disant que la nature est ordonnée, et que le livre de la nature est mathématique! On peut comprendre, c'est vrai une grande partie de la nature en jouant de ces mécanismes.
Ainsi Newton, voyant tomber la pomme en tire les lois de la gravité. Les lois de la nature sont occultées. Déchiffrer ce code, c'est la tâche de la science : les informations sont là, à nous de les décrypter. C'est déjà extraordinaire que nous puissions le faire, nous les hommes.
Mais le big-bang nous permet de voir Dieu appuyant en quelque sorte sur le bouton qui déclenche tout. C'est faux, car l'univers, c'est le début de l'espace-temps. L'idée n'est pas nouvelle, puisque Saint Augustin déjà disait que le monde avait été créé avec le temps. C'est l'univers-soupe du début, dans le vide. Puis ont suivi les lois très complexes de la physique nucléaire jusqu'à l'homme conscient, son aboutissement.
Alors Dieu? pourquoi ces lois de la physique pour aboutir à notre conscience? Y a-t-il donc un but à notre existence? La nature, nous le voyons bien, est sans cesse créatrice. Et les lois qui la gèrent sont éternelles. C'est le vieux débat philosophique entre le temporel et l'éternel! Et Dieu dépassant le temps peut-Il avoir une relation avec nous DANS le temps?
Le temps est la toile de fond qui fait partie intégrale de l'univers physique. Si le temps en fait partie, toute tentative de scruter l'éternité du dedans est vaine. Ou donc se trouve Dieu? Alors, peut-il manipuler quelque chose dans cet univers temporel?
Le miracle de la nature reste pour nous au niveau de l'obéissances aux lois qui la régissent. Mais il y a bien une conscience au bout de cette évolution. Par la science même, nous commençons à avoir des réponses possibles. Les lois seules ne nous suffisent plus. Certes, il existe avec elles une réalité disciplinée qui évite toute anarchie. Et notre univers est tellement intéressant. Mais beaucoup de physiciens ne voient pas la nécessité qu'il ait un sens. Il pourrait bien exister d'autres univers, peu auraient les conditions pour que la vie y existe, nous avons donc une grande chance, disent-ils, d'être dans celui-ci!
Il y a un inconvénient dans cette théorie: alors, tous ces univers ont donc des lois, mais d'où viennent-elles ces lois? Et pourquoi aurions-nous l'univers qui aurait les lois les plus précises pour que la vie existe? Au fond cette théorie est très naïve et ne résout rien.
Une 3e voie, c'est donc de vivre pour Dieu. Les lois de l'Univers nous indiquent clairement qu'il a un sens et une finalité. Une raison existe donc à tout cela. Et l'homme, alors, quel est son rôle? Dieu qui aurait fait tout cela, ce ne pourrait pas être sans un objectif! Non? L'émergence de la conscience constitue un élément de base dans cet univers. L'émergence de la vie garantit ainsi la valeur des lois dites naturelles, elle est la suite logique de ces lois. Et nous sommes la fin logique de ces lois. J'ai écrit ce livre "Nous sommes censés être là"; il apporte une meilleure voie que la simple connaissance physique. Mais si la religion veut avancer elle aussi, elle ne pourra plus le faire sans la concordance avec la science.
TABLE RONDE du 2e matin
Il manque, dit quelqu'un, une synthèse bouddhiste concernant son point de vue sur l'intentionnalité. Un Dieu seul peut y répondre. Y a-t-il incompatibilité ici?
- Difficile de répondre, car pour nous, "dieu" se manifeste en Inde chez nous tous et dans toute la nature. D'autre part, je ne me suis limité dans ma conférence qu'au sens du "dieu" physique des lois. Mais je suis convaincu aussi que nous avons un sens en nous, mais que "dieu" est hors du temps. Il reste donc ce problème au sujet d'un "dieu" qui pourrait intervenir dans notre activité temporelle.
- Mais pour Descartes, il n'était pas surprenant que Dieu soit la cause première!
- Pour un bouddhiste, nous ne pouvons admettre un dieu puisque tout dans la nature est interdépendant. Alors nous avons l'amour pour tout. Je suis le frère des bêtes sauvages et des plantes; et c'est ce qui dicte tous mes actes.
- Le mot Dieu, introduit tout de suite une séparation d'avec le monde. C'est un point de vue simpliste, aujourd'hui dépassé. La science et la vie de tous les jours ne sont que des réalités empiriques qui ne constituent pas TOUTE la réalité. Donc il existe une autre réalité indépendante de nous qu'on peut appeler le domaine "divin". Peut-on lui attribuer les sentiments décrits par les religions? C'est délicat. Mais en tous cas, si on veut trouver un sens, on n'est pas interdit de faire l'hypothèse "DIEU".
- Q.- Comment dans notre dialogue, éviter le piège du syncrétisme?
- Il ne faut pas utiliser des arguments d'un domaine pour prouver l'autre, car cela crée des différends. Il faut garder ces domaines séparés; mais il est intéressant de comparer les points de vue.
- Dans notre monde, la science s'interdit de nous donner des directions spirituelles. Nous pouvons donc nous tourner vers Jésus qui nous donne des réponse étonnantes et claires. C'est Lui qui peut nous donner des valeurs aux choses. Il n'y a donc par de conflit entre science et foi!
- Soyons logiques, un physicien comme Monod, remarquable, mais ancré dans son scientisme strict, respectait tout de même les valeurs chrétiennes traditionnelles. Comment liait-il ses deux conceptions? Je ne l'ai jamais compris. Alors, pourquoi y aurait-il besoin d'une morale?
- Mais si l'univers est non cyclique, le bouddhiste devra changer?
- Il y est prêt!
- Si nous admettons qu'il n'y a qu'une seule vérité (physique + spirituelle), on peut aussi admettre que la séparation n'est pas possible; les deux existent simultanément.
- Q.- Mais si la science reste muette quant aux conséquences de ses découvertes, que faire? L'interaction n'est pas nulle! Il y a donc un pas de plus à franchir, c'est inévitable.
- Q.- comment donc concilier autonomie et interdépendance?
- La science observe le monde; et elle peut donner certaines conclusions religieuses. Mais la théologie n'a pas le droit de négliger les découvertes scientifiques.
- Nous ne pouvons pas séparer les deux. L'éthique dépasse naturellement le domaine scientifique. L'éthique est indispensable (clonage, etc.). Et là, il faut assembler science et religion.
- On était jusqu'ici très réticent à mêler les deux concepts. La religion prenait le relais lorsque la science ne pouvait rien répondre. Mais la science ni la religion ne peuvent maintenant parler d'absolu. Il n'en reste pas moins que la notion d'immortalité est gênante pour la science. Les comités d'éthique sont à mondialiser, sous peine d'accuser et la science et les religions!
- Fin de la session -
DERNIÈRE SESSION
Ahmad Hassan ZEWAIL - Prix Nobel de Chimie 1999. Prof. au California Instit. Technol. Recherches sur la synthèse chimique au niveau atomique (échelle de la fentoseconde = 10
-15 sec.) Égyptien, musulman, établi aux USA.
Au-delà de la science, il y a un problème spirituel pour chacun, qui a eu des conséquences sur nos civilisations, nos cultures et aussi sur nous-mêmes. Nous sommes donc bien obligés à une recherche de la vérité qui en tienne compte. Ce n'est pas une confrontation que nous devons mener, mais il faut tenir compte de l'histoire, de l'organisation de ce monde, de la mondialisation, de la misère, etc. etc.
Après la guerre froide, les différences entre peuples sont surtout culturelles. Notre monde est divisé en sept (7) civilisations. La civilisation de l'islam est maintenant à l'ordre du jour. Elle concerne 1,3 milliards de personnes dont
20 % seulement sont des Arabes et 5 % ne sont pas musulmans. Nous sommes 7-8 millions aux USA, dont 23 % sont nés ici. Nous avons la paix par notre soumission à Allah. Notre conception de la moralité est proche de celles des Juifs ou des Chrétiens. Notre livre saint, le Coran, couvre toute l'histoire de notre religion, et ses cinq (5) piliers sont notre base de vie. En tant que professeur, je chante et jeûne à la Mosquée. Les savants sont respectés parmi nous. Si les médias utilisent le djihad pour critiquer l'islam, ils se trompent, car le djihad n'est pas l'un de nos cinq (5) piliers. Il n'y a pas de place pour le terrorisme dans notre religion.
Alors pourquoi la mésentente actuelle? Elle est due à des informations erronées et touche en réalité des problèmes purement économiques. Le haut degré dans les lois et les arts atteint par nos populations musulmanes est passé sous silence ou est inconnu, ainsi que nos apports scientifiques capitaux, lorsque la tolérance régnait, en Espagne durant des siècles, par exemple. Les croisades sont encore dans l'air de nos jours. C'est certain que dans l'islam même certains utilisent notre religion par ignorance. Le pire, c'est notre ignorance de l'autre. Cela crée des problèmes de frustration, économiques et politiques.
Pourquoi tout cela? Pendant des siècles, les musulmans ont été à l'avant-garde de la civilisation. La frustration actuelle vient avant tout de l'occupation de nos régions par les Occidentaux et à la diffusion du communisme. C'est ce qui produit un retour à l'islamisme fondamental. Les méthodes de communication se développent, c'est vrai, mais 4 milliards d'homme sur 6 sont sous-développés et doivent vivre avec moins de 2 dollars par jour! 1,5 milliards de personnes n'ont même pas accès à l'eau propre. La mondialisation ne va pas régler ces problèmes, malgré l'énorme potentiel du monde actuel, car les solutions seront extrêmement coûteuses pour le monde occidental. Il faut penser ici à la chance que nous avons de pourvoir penser à ce problème ensemble.
Quant à notre conférencier, il dit avoir été enrichi par les deux cultures, et il est heureux de vivre ainsi. Mais quand il est arrivé aux USA, ne comprenant pas la langue, il a pourtant vite compris qu'on voulait le tuer! Il y avait une barrière qui faisait cette grave incompréhension.
Quelles réponses peuvent donner les pays "riches"?
La possibilité existe pour une coexistence pacifique pour lutter efficacement contre le terrorisme. On a bien pu rassembler les moyens d'aller sur la lune, et il y a ici plus important pour le monde que cet exploit. D'autres moyens sont à notre disposition, plutôt que de continuer l'exportation des armes!
William PHILLIPS - Prix Nobel de Physique. Prof. de Physique à l'Uni. de Maryland. A eu le Nobel partagé pour le développement de méthodes pour refroidir et capter des atomes par laser.
Pour moi, foi et science sont parfaitement parallèles en pratique. Je suis un homme de foi ordinaire et un scientifique ordinaire! Ceci n'a rien d'exceptionnel.
Je pense que ce qui compte, c'est d'être un témoin. On pense souvent que naturellement un scientifique doit être un athée. Mais ma science de mécanicien quantique ressemble beaucoup à celle d'un mécanicien sur voiture. La physique qui est si belle me fait croire tout simplement que seul un Créateur très intelligent a pu concevoir tout cela. Ma foi est simplement un complément logique de ma science. Si j'affirme en science quelque chose, je dois prouver par des expériences que ma théorie est juste. Mais ma foi, bien expérimentée elle aussi, ne se prouve pas, mais elle est très solide.
De même, par exemple, l'argument du principe anthropique dit que l'univers est extrêmement bien orienté pour l'Homme, mais il n'y a aucune explication scientifique pour le démontrer. Je crois que Dieu a dû créer cet Univers pour qu'il puisse enfanter la vie. Je sais que mon ami Davies n'aime pas que je dise ça! Mais quelque part il y a certainement un Dieu derrière toute cette belle organisation. L'argument anthropique certes ne prouve pas l'existence de Dieu, mais c'est un ensemble de rouages si bien réglés que c'est impossible qu'il en soit autrement.
Il y a beaucoup de scientifiques des deux côtés, croyants ou incroyants. Mes parents sont croyants, et ma science m'a confirmé simplement dans ma foi chrétienne. On peut donc comprendre la physique et la foi. On peut aussi admettre le mystère, tant pour la physique que pour la foi. Je sais par mon témoignage que beaucoup de scientifiques dans mon pays crient en un Dieu d'Amour qui nous aime vraiment. Un Dieu qui agit et interagit avec ce monde. Dieu en effet, veut des relations authentiques entre Lui et nous ses enfants.
Alors, pourquoi un scientifique très exigeant ne pourrait-il pas croire en Dieu? Il y a 2 ans, j'ai fait un séjour d'une année à Paris - à l'École Normale supérieure. Comme étranger à la vie parisienne, j'ai beaucoup appris, ainsi du reste qu'au laboratoire. Par exemple, la façon et les conditions pour dire à quelqu'un TU ou VOUS (ce qui n'existe pas en anglais). J'ai dû dire "vous" à mon chef, et "vous" à l'institutrice de mon enfant. Tous les dimanches, je suis allé à l'Église Américaine au Quai d'Orsay et un pasteur m'a même invité à participer au service du culte, et il a prié Dieu : TU. C'était comme un vrai coup de foudre pour moi. Mais j'ai alors réalisé que c'était vrai, parce qu'Il est Lui un vrai Ami qui nous aime. Car en France, quand on a un vrai ami on le tutoie! Certes, je fais là une déclaration basée sur une émotion. Mais dans la Bible (Hébr. 11/1) il est dit que
"la foi est une ferme assurance des choses que l'on espère, une démonstration de celles qu'on ne voit pas
encore." Science et foi mes amis regardent les mêmes réalités. Mais comme la vie serait ennuyeuse si l'on n'avait que la fenêtre de la science pour la voir! Il existe heureusement les fenêtres de l'amour, des arts aussi. Non! Elles ne sont pas négligeables non plus, et pas très différentes à vrai dire.
Comme méthodiste j'ai été imprégné dès mon enfance des quatre (4) piliers du christianisme : Bible, Tradition Raison, Expérience. Ne sont-ils pas très près des piliers de la science? Je les cite : Bibliographie, tradition, raison, expérience. C'est pourquoi je suis parfaitement à l'aise tant dans ma foi que dans ma science. - Alors me dira-t-on, vous n'avez pas de doutes, devant tant de souffrances dans ce monde, d'injustices, etc. - Mais Job a vécu tout cela et il est resté fidèle. - Et que faites-vous des autres religions? - Jésus a dit :
"Je suis LE Chemin, LA Vérité et LA Vie, et chaque personne ne vient au Père que par
moi." Mais je crois aussi que toutes ces religions ont été inspirées par la même soif de Dieu.
Quant à mes doutes, ils existent pareillement en science. Si Dieu fait un miracle (ce qui est rare par définition) la science n'en tient pas compte. En effet, la courbe de Gauss élimine de la statistique tout phénomène extrême! Mais le miracle a pu avoir des conséquences bien plus grandes que tout ce qui s'est "normalement" déroulé! Dieu est souverain et Il agit au-delà de notre connaissance.
On me dit aussi que divers univers existent probablement à côté du nôtre. On ne peut pas le prouver. Mais notre univers devait-il être comme il est ou autrement? Alors comment notre libre arbitre subsisterait-il dans un monde qui ne serait régi que par des lois aveugles et absolues?
La croyance en Dieu est-elle préférable à l'athéisme? Car la science ne pourra jamais donner par ses critères la preuve qu'il existe un Dieu personnel aimant, et interactif. Mais s'Il est présent, la question primordiale devient :
"Comment utiliser notre connaissance et notre foi pour FAIRE vraiment ce qu'IL veut de nous?" Ce qui nous conduit tout naturellement à l'amour du prochain tel que Jésus nous l'a enseigné.
Jane GOODALL - Seule non scientifique des orateurs, sous l'impulsion du Dr Leakey, elle a initié la plus longue étude sur les animaux en habitat naturel, en créant le Gombe Stream Research Centre, sur les rives du Lac Tanganyika en Tanzanie. Ses découvertes ont révolutionné la primatologie.
Mes études sur les chimpanzé m'ont montré que nos ancêtres communs avaient les mêmes moeurs que nous. La science n'acceptait pas ça quand j'ai débuté, elle était très réductionniste à l'époque! À 27 ans, j'avais un chien à Cambridge dont je connaissais bien les sentiments. Mon idylle avec les chimpanzés qui a duré 50 ans par la suite m'a montré combien ils nous ressemblent physiquement, socialement, dans leurs outillages, etc. et combien les mères sont semblables aux nôtres avec leurs petits rejetons.
J'ai toujours été outrée de voir malmener des animaux. Mes théories ont changé le comportement de l'homme, même dans les zoos. Mais d'autre part, je les croyais bons et affectueux avec les autres, mais j'ai bien dû voir qu'ils sont aussi brutaux et prêts à se faire la guerre. Pourquoi donc, Dieu permet-il cela? (je me posais déjà cette question, en découvrant l'Holocauste quand j'étais jeune). Et dans les forêts au Tanganyika, je me les suis posées à nouveau. Alors, l'agression, la guerre sont-elles donc inévitables? Si nous avions vraiment un libre arbitre nous devrions pouvoir diriger nos vies vers le bien ou vers le mal.
Les différences entre l'homme et l'animal sont devenues de plus en plus floues. S'ils avaient une langue ils adoreraient l'eau et le soleil. C'est le langage qui nous a amenés à réfléchir. Et maintenant les chimpanzés vont bientôt disparaître par notre invasion technologique et notre pollution. On compromet ainsi même notre avenir et le leur. On sauve ici et là quelques échantillons d'espèces en disparition, et beaucoup de jeunes luttent dans ce sens. Ils me disent
- "Dr. Jane, voyez ce que nous avons fait!" Ils viennent de 70 pays. On trouve de nos jours des armées de jeunes musulmans manipulés par des Ben Laden. Mais il faut plutôt nous mobiliser pour avoir la paix en nous et avec la nature, car tout est relié sur cette planète.
On a constaté aux USA dès le 11 septembre 2001 un renouveau de la foi, et nous en aurions bien besoin nous aussi en Occident. Il y a une grande puissance spirituelle qui est présente, et elle me fortifie bien souvent personnellement.
Bruno GUIDERDONI - Astrophysicien au CNRS. Travaille dans plusieurs grands projets européens de satellites, et s'intéresse à la découverte des galaxies les plus lointaines de l'Univers. Il est aussi membre du Conseil de l'islam en France et directeur de l'Institut des Hautes Études islamiques.
"Dieu d'amour et de miséricorde, béni-soit-il!"
À l'aide de diapos, il nous parle du développement de la cosmologie depuis Aristote. Pour la religion, si le soleil brille, c'est pour nous donner de la lumière - pour la science, parce que sa surface est chaude à cause de ses explosions nucléaires internes. Si l'on ne parle pas de sens, l'univers devient sans but, il est absurde même, et l'homme lui-même n'a pas de sens (cit. Monod :
"l'ancienne alliance est rompue et l'homme sait désormais qu'il est seul dans l'univers dont il est émergé par
hasard." Mais depuis Monod, l'opinion des scientifiques a peu à peu changé. Il y a un retour vers la recherche du sens en cosmologie depuis la découverte du principe anthropique.
Le conférencier nous parle alors de son domaine propre depuis les années 70, combien nos concepts sur l'Univers ont progressé; et toutes les découvertes de la complexité qui seule a permis la création des planètes, puis de la vie sur la Terre. Puis de la théorie de l'inflation et ses chiffres faramineux. Pourquoi de tels chiffres? On ne sait pas. Mais sans ces données, la complexité ne pourrait pas se produire. Les causes, on les ignore; seuls les croyants en ont une certaine connaissance.
On peut estimer divers univers selon la valeur de Q. Mais c'est étrange que seule la valeur du nôtre est propice pour permettre la complexité. Y a-t-il donc unité des lois, ou l'unité par Dieu? La prochaine énigme dans la loterie cosmique sera la théorie des cordes. Mais toutes ces explications successives ne servent en fait qu'à éviter le recours aux causes finales.
Quelle métaphysique pouvons-nous alors proposer? Quelqu'un avance les pions? Le réel ultime, tellement transcendant doit posséder intelligence et amour. L'être du cosmos participe à l'être de Dieu. Dans les traditions orientales (comme l'islam) l'univers est le lieu du voile de Dieu qui se dévoile dans le cosmos. Pour moi, il y a deux voies de la connaissances, comme nous avons tous deux yeux : la première chercher Dieu par le mysticisme dans toutes les religions, par des expériences personnelles, la seconde explorer les phénomènes scientifiques. Il y a unité de la pensée. Le point commun c'est que cette rechercher est sans fin. La quête religieuse vise au bien de l'homme par sa transformation intérieure - la science par l'amélioration extérieure de sa situation.
- FIN -
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