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 Témoignages
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JOSETTE MANZONI-FURGIER
(Extrait du livre "Lequel des deux avait raison?"
Éd. EMETH Éditions, janvier 2003)
Élevée entre une mère qui me maltraite, un homme d'affaire pratiquant, et des
grands-parents gâteaux, je fais mes premières expériences religieuses d'enfant avec ma grand-mère.
Elle me parle sans cesse d'un "papa au ciel qui m'aime".
Mais pourquoi grand-père me répète-t-il sans cesse que la religion c'est de la "foutaise"?
Et si Dieu m'aime, pourquoi m'a-t-il donné une maman si méchante?
Nous quittons la campagne pour vivre à Saint-Claude. À l'école, une institutrice me frappe, alors
mes parents me placent dans un Internat catholique, à Gex. Là, un jour, la prière simple et fervente
d'une jeune protestante m'intrigue; elle devient mon amie. Je cherche Dieu, et j'espère alors le
découvrir lors de ma première communion. Mais je suis déçue; alors je m'inscris pour obtenir mon
brevet de religion... et j'étudie la Morale, les Dogmes, etc., etc. durant deux ans! Mais nouvelle
déception, si je suis bien notée, je n'y ai trouvé ni Dieu, ni Jésus...
Alors je décide de devenir institutrice, et j'obtiens mon brevet. Mais mon père me réclame dans son
entreprise pour m'occuper de sa comptabilité, et je dois changer d'orientation. Peu de temps après,
ma mère m'impose un mari que je n'aime pas. Je lui résiste : je n'ai même pas 18 ans. Elle
insiste tant que j'épouse pourtant ce Paul, un ingénieur des mines, qui se révélera noceur, tyrannique
et sadique.
J'en tombe malade et désire la mort... mais me voilà enceinte!
Un fils, puis bientôt une fille, adoucissent un peu mon malheur, mais les tortures de mon mari
envers moi continuent. Un jour je dois partir me faire opérer; mais à mon retour, c'est notre
jeune bonne qui a pris ma place de mère et d'épouse, et je subis même deux tentatives de meurtre.
Je consulte un jeune abbé qui me propose de demander l'annulation de mon mariage... mais ça coûtera
cher! Et comme j'en suis déjà à acheter la nourriture à crédit, je suis révoltée, et j'envoie
promener l'abbé, sa proposition et sa religion, et je demande le divorce!
Finalement, je suis parvenue à m'enfuir chez mes parents avec mes enfants. C'est la guerre, la
nourriture est rare, et nous avons tous faim... Alors ma mère finit par me convaincre de renvoyer
mes enfants chez leur père qui gère le stock de réserve alimentaire de la mine où il travaille.
Effondrée une fois de plus, et révoltée, je les laisse partir, et je m'enfuis chez Louis, un ami,
qui me gâte et me nourris avec affection. Bientôt nous allons vivre ensemble à Paris, où je peux
suivre des cours de coupe et prendre un avocat, pour essayer de récupérer mes enfants. Refus pour
cause de concubinage... Alors j'épouse Louis pour qu'au moins je puisse prendre mes enfants durant
les vacances, et réclamer leur garde.
Un jour mon père me téléphone, bouleversé : "Ta mère va mourir, elle a un cancer."
J'accours, je la soigne, et... je lui pardonne. Un mois plus tard, de retour à Paris, je trouve
mon Louis engagé dans le "Bureau de Recrutement des Travailleurs pour l'Allemagne". Il me dit :
- C'était pour rester auprès de toi... Quelle situation inquiétante pourtant...
En effet, quand les Allemands quittent Paris, Louis est arrêté comme collabo, et moi accusée
d'espionnage! Entre-temps j'avais échappé miraculeusement à un bombardement sur Paris et à un
tir de mitraillette, juste devant chez moi...
Là, j'ai vu l'intervention de Dieu qui a répondu à mon appel au secours et m'a protégée. Perplexe
sur ma situation, je prie alors pour que la véritable espionne soit découverte.
Elle est enfin arrêtée à la frontière suisse, et son ami - un jeune officier allemand
incarcéré - me disculpe et l'accuse, elle, avec preuves à l'appui.
Alors je me demande devant cette libération : Dieu existe-t-il vraiment, ou est-ce un hasard
et encore une illusion?
Je visite régulièrement Louis, qui lui est emprisonné à Fresnes. Sa mère lui a posé un ultimatum :
"Si tu divorces, je te sors de là!" Louis accepte, et libéré, il est consigné à
Alger. Nous nous quittons en pleurant, et... un an plus tard, il est obligé d'épouser une fille
qu'il a mise enceinte. Là, Dieu est resté sourd à mes prières!
Effondrée, et à nouveau seule, je décide finalement de prendre ma vie en mains, et de lutter pour
mes enfants, sans Dieu ni religion. Je crée un atelier de couture à Nice avec une associée. Mon
affaire prospère et je peux gâter mes enfants.
Je travaille trop, je m'amuse trop aussi... au lieu de me reposer, et je tombe malade. Mon associée,
chez laquelle j'habite, me met à la porte et s'approprie l'affaire. Des amis m'hébergent avec mes
enfants, mais j'apprends soudain que leur père va les emmener... au Brésil! Heureusement, un avocat
prend l'affaire en mains et parvient à s'opposer au départ de mes enfants; mais ils pourront suivre
leur père en Algérie (qui est alors un département français). Voilà que tout s'effondre à nouveau
pour moi! Alors, j'accepte les avances de mon avocat, mais je me dégoûte bientôt de cette nouvelle
situation ambiguë...
C'est ainsi que je m'enfonce dans une dépression physique et morale; j'erre d'une rue à l'autre,
cherchant un emploi; d'une église à l'autre, cherchant du repos... Seul dans cette période, un chant
m'attire : ce sont des Salutistes à un carrefour. Mais leur accoutrement me déçoit... C'est
encore de la religion! Mon désespoir est si tenace, que rentrée chez moi, j'avale presque tout un
tube de barbiturique, pour dormir et oublier enfin. Mais la chose faite, je réalise ma folie, et
je pousse un cri de détresse : "Dieu, si vous existez, faites quelque chose pour moi,
maintenant!"
Aussitôt, ma chambre est comme remplie d'une présence; je réalise que Dieu m'a répondu; qu'Il est là;
qu'Il est vivant, et qu'Il m'aime! J'en suis bouleversée. Et dans ma mémoire, toutes mes lâchetés,
mon inconduite, mes fautes et mes rancœurs défilent comme dans un film. Je pleure sur ma misère, et
je me repens. Alors une paix étrange m'envahit : je me sens pardonnée... purifiée... libérée.
J'ai enfin trouvé le Dieu de ma grand-mère... et je me laisse glisser dans le sommeil pour rester
avec Lui...
À mon réveil, je me retrouve... à l'hôpital. Mais dans mon cœur chante une mélodie divine. La
directrice, qui me croit folle, m'interne en psychiatrie sans consultation médicale. Mais je
parviens à m'enfuir... en chemise de nuit et en taxi! Je sais au plus profond de moi que Dieu m'a
secourue; et je n'ai plus qu'un seul désir : Lui être agréable. Je suis devenue une nouvelle
personne, paisible, joyeuse et confiante : puisque je sais que Dieu m'aime, Il va me protéger
et me guider désormais. Alors, je romps toute relation avec mon avocat.
Mes amis s'étonnent de ma transformation. Nous n'avons plus les mêmes valeurs, et ils s'éloignent...
Mais la nature m'émerveille maintenant; tout me semble extraordinaire, et je suis profondément
heureuse de vivre. Je demande à Dieu de me donner un conducteur spirituel. C'est alors que plusieurs
affiches me poussent à visiter la grande Foire-Expo à Nice. J'y découvre un stand protestant de la
Bible. J'hésite, passe et repasse devant par trois fois... Mais poussée, finalement, j'achète une
bible -la moins chère- et je m'empresse de rentrer chez moi pour la lire.
Pourquoi donc, ne m'a-t-on pas fait étudier la Bible pour mon brevet de religion? Quelle découverte!
Peu à peu, j'expérimente les paroles de Jésus dans les Évangiles : "Ne vous inquiétez
de rien... Faites connaître vos besoins à Dieu..." et voici que j'hérite d'un appartement
à Saint-Claude. J'y retourne donc avec cette promesse : "Je te soutiens, et ceux qui
se sont acharnés contre toi seront confondus". Tout semble bien se réaliser selon mes
besoins. J'achète un bouquin sur le bricolage, et je fais moi-même les réparations. Puis je loue
des chambres à des enseignantes, qui les libèrent l'été, ce qui me permet de bien recevoir mes
enfants. Et je trouve un emploi. Mais lors de retours d'amertume, je me demande pourquoi Dieu m'a
laissé vivre tant d'épreuves. Alors la réponse vient : "Pour que tu puisses mieux
comprendre et aider ceux qui souffrent". Dès lors, répits et combats peuvent se succéder,
j'en connais la raison.
Je retourne à l'église pour y communier; mais le curé de la paroisse me refuse l'eucharistie :
"Vous savez bien qu'étant divorcée, vous êtes aussi excommuniée..."
Alors, je lui fais remarquer : "Mais la femme adultère... et la Samaritaine avec tous
ses maris... Jésus ne les a pas condamnées!"
Je soutiens son regard, et c'est lui qui est confus. Mais, attristée, je conteste avec Dieu :
"Ce n'est pas normal que je sois seule et sans guide dans la vie!"
Alors le Seigneur me donne un songe qui me réconforte; et j'entends un message d'un pasteur à la
radio, qui me rassure.
Le dimanche est pour moi un jour de fête, car la présence de Dieu est encore plus forte. Je danse
au son de la musique émise par la radio, je déborde de paroles incompréhensibles, dans une joie
inexplicable, et je termine en adorant Jésus. Est-ce de la folie douce? Plus tard un missionnaire
m'apprendra que parfois des anges participent à notre joie et dansent avec nous, de façon invisible,
mais certaine. Quelle découverte!
Un jour, je ressens un besoin de merveilleux comme dans mon enfance, et cela me fait découvrir un
danger inattendu : je vois en songe Satan déguisé en ange de lumière qui veut utiliser mon
orgueil.
Je crie : "Jésus! Jésus!", et il disparaît. Et Dieu enlève mon inquiétude.
Des rencontres avec des "Témoins de Jéhovah", puis avec des "Amis de l'homme", m'incitent aussi à la
prudence. Et je lis et approfondis les paroles de Jésus : "Je bâtirai MON Église".
Mais où est-elle SON Église? Les premiers chrétiens n'étaient pas seuls, alors pourquoi suis-je
encore seule, Seigneur? Et le CORPS dont parle l'Apôtre Paul, c'est quoi? Et ma petite protestante
avec ses prières ferventes, où la placer? Seigneur, aide-moi! Et je réalise peu à peu que le Corps
(l'Église) ne peut avoir qu'une seule tête, et que sa tête, c'est Jésus! Puisque Dieu m'a donné une
Bible "protestante", avec laquelle Il m'enseigne, je commence à trouver ce fil conducteur...
Cependant, je devine que l'essentiel pour moi c'est de rester attachée à Jésus, puisqu'il est :
LE chemin, LA vérité et LA vie!
Mais j'ai aussi des choix pratiques à faire : ma marraine insiste pour que je loue une chambre à
"un homme très bien"! Cet homme (que j'agrée finalement...) me fait la cour! Mais Dieu m'en
débarrasse de façon comique.
Puis un verset biblique me tracasse : "N'ayez de dette envers personne." Je me
rappelle avoir quitté Nice sans régler ma note chez le dentiste. J'écris et reçois la réponse
aussitôt : "Votre vieille facture est passée par pertes et profits depuis
longtemps!" Dieu sait bien que je vis frugalement au jour le jour et qu'il m'aurait fallu
des années pour pouvoir régler cette dette. C'est merveilleux comme Dieu prend soin de moi!
Ainsi, peu à peu, mon état dépressif s'atténue, et sans aucun traitement. Alors je trouve un emploi
comme cuisinière dans une belle maison bourgeoise de Thonon. C'est une belle expérience que je vis
joyeusement.
Un autre emploi me fait connaître Rina, une catholique fervente qui me prête divers livres, entre
autres les biographies de François d'Assise, de Thérèse d'Avila et du Curé d'Ars.
Je constate que toujours ils ont eu des démêlés avec le clergé, et parfois avec des oppositions
évidentes. Mais pourquoi Seigneur?
De retour à Saint-Claude, je me trouve malgré moi avec des locataires protestants encombrants :
ils prétendent que l'église catholique est remplie d'abominations (comme les Borgias, etc.) et chacun
d'eux veut me persuader que son église est la meilleure et la plus fidèle à la Vérité.
Leur prétention et leurs divisions me rendent sceptique, et leur air triste me surprend! Pour moi,
je préfère suivre Jésus et conserver ma joie! L'un d'eux, Michel, un jeune prof., aussi maigre que
malheureux, reste locataire chez moi trois années de suite.
Un jour, il me déclare, ravi : "Dieu m'a dit que vous êtes la femme qu'Il me destine."
Je pouffe de rire (il est tellement plus jeune que moi! et un protestant!), et je fais tout pour
qu'il s'en aille.
Peu après, il part pour l'armée, quel soulagement!... Mais un peu plus tard, il m'écrit, et je jette
sa lettre à la poubelle. Mais je ne parviens pas à dormir.
Et un songe oublié depuis longtemps me revient avec une acuité incompréhensible : - je
marche dans la campagne, un jeune homme me rejoint ; très proches par le cœur, nous allons par
monts et vallées vers le même but, portant le même petit baluchon!
- Hésitante, je réponds évasivement à sa lettre...
Nous avons bientôt une correspondance assez régulière. Puis, par des confirmations de part et
d'autre, nous arrivons à la certitude que notre union est dans le plan de Dieu. Je crois bien que
Dieu a ainsi manifesté de l'humour. En effet, ce mariage, je l'ai longtemps qualifié de loufoque!
Il est la preuve que des extrêmes peuvent s'accorder, si chacun accepte de remettre en question
ce qui est de la "religiosité" héritée de nos pères, et désire uniquement ce qui est dans la volonté
de Dieu pour sa propre vie.
À noter que durant ces huit années de marche solitaire, Dieu m'a donné une bible "protestante", et
des expériences précises pour me guider, me réconforter et me rassurer.
Nous allons découvrir plus tard avec mon mari que ce précieux petit baluchon que nous portions
ensemble dans notre parcours (selon mon songe du passé) c'était la Bible, la Parole de Dieu!
N.B. Michel et Josette (notre auteur) ont composé une "Vie de Jésus", en bandes
dessinées. Lui, ex-prof. de dessin a réalisé les images, elle a écrit les textes et les dialogues.
Le résultat est magnifique.
Ils sont mariés maintenant depuis 44 ans!
- FIN -
Tous Droits Réservés © Philippe Gold-Aubert
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