Dieu? Le plus grand scientifique!

||  Accueil  ||  L'auteur  ||  Contact  ||  



Les trois Adams.

  

*Résumés de livres*

Liste complète des résumés >>>

LA CREATION DU MONDE

Par Jean d'Ormesson - Éditions Robert Laffont
(2e partie)


<<< Début

Au cinquième jour de ces vacances mémorables. Au réveil, François (le scientifique) réfléchit : - Au fond, je pense que ce bouquin n'est qu'une œuvre de propagande, une manifestation rampante de ce que les Américains appellent Intelligent Design, ou une forme atténuée de leur créationnisme... On discute sur ce propos, et pour terminer l'un des quatre vacanciers s'écrie : « Ah! Que voulez-vous, Dieu lui est apparu... Beaucoup de gens croient en Dieu, lui le rencontre (au moins en rêve) et il l'écoute...

- Oui, mais ce qui est pervers chez lui, c'est qu'il capte votre confiance en semblant accepter toutes les conquêtes de la science. Très bien. Mais il les soumet aussitôt à un esprit suprême. Il ne nie pas le progrès, il le rattrape au vol et il le rend à Dieu...

La lecture reprit – mais cette fois par François, le scientifique :

- Dieu me parlait maintenant chaque nuit. Tout devenait clair et simple. Je marchais dans une forêt immense et magnifique...

- Simon, plusieurs te diront que l'homme aurait pu ne pas être. Tu ne les croiras pas : tout ce qui existe existait déjà, à l'état de possible dans l'éclair des origines. Tout. Au regard de l'éternel, tout est simultané, tout est sans cesse présent. Tu ne douteras pas que le monde ait été créé pour la vie et l'Homme, mais tu ne croiras pas que les hommes soient le but de l'univers. Ils sont un état du développement du tout, et ils passeront comme tout le reste... Mais la vie est un nouveau début, après le début de l'univers...

Aux scientifiques, je peux dire encore qu'ils ont bien vu en disant que les chances de voir la vie surgir de la matière sont très proches de zéro... mais pas qu'ils aient décrété que l'homme est un hasard dans l'univers!...

- (Merci, marmonna François, de réciter ces âneries et ces insultes à la science; c'est un comble!)

- L'origine de la vie est aussi stupéfiante, comme invention que l'origine de l'univers, c'est une nouveauté absolue. Tu vois qu'un peu moins d'une dizaine de milliards de vos années après la pointe d'épingle, les lois de la nature étaient déjà établies pour que la vie apparaisse... Je les ai laissées jouer, je les ai faites jouer...Depuis des milliards d'années, l'univers n'est pas immobile, le mouvement y règne dès l'origine, et il n'y a pas de rupture entre la matière et la vie...

- Et que dire de la lumière? Je l'ai créée des milliards d'années avant les dinosaures qui ont disparu des millions d'années avant ta venue. Mais la lumière était là. Qu'était donc la lumière quand elle brillait pour personne? Vous aviez cru qu'elle était corpusculaire... et puis, d'autres l'ont vue ondulatoire... mais elle est faite des deux! La lumière est l'ombre de Dieu. Mais à quoi eût servi la lumière si la vie n'était pas née?

Au fond l'Univers, qui est si grand n'a de sens que parce que l'homme y est apparu dans un coin minuscule!

- Énorme! dit François le scientifique...

- Eh! oui, pour te faire venir au monde, il a fallu l'espace et le temps, les nombres, le mouvement, l'attraction, la lumière... l'air et l'eau! Et sans eux, tu ne serais pas là! L'eau par exemple, chacun peut la voir et la toucher; là où elle est présente, c'est une reine très puissante. Plus dense que les états gazeux, moins ferme que les minéraux, elle est un peu comme une matière qui ne serait pas encore sortie de son adolescence... Elle est un peu imprévisible, elle m'étonnera toujours, et quand je l'ai inventée, je n'étais pas mécontent. Elle est sérieuse et frivole... cruelle et enchanteresse.

- Une autre question me hante : je voudrais bien savoir si nous sommes seuls dans l'univers?

- Vous rêvez un peu tous de monstres venus d'ailleurs. Désolé de vous décevoir, les envahisseurs n'existent pas, ni les petits hommes verts. Les messages que vous envoyez vers les autres planètes resteront sans réponse. Et vos objets volants non identifiés relèvent de votre imagination; la science fiction est un délire, le plus souvent ridicule... Car votre vie et l'intelligence sont une spécialité régionale. Leurs conditions d'apparition sont si exceptionnelles qu'elles n'ont pu surgir qu'une seule fois dans l'espace et dans le temps. La vie est un oiseau de passage qui ne se lève qu'une fois sur le monde. Et vous conquerrez l'espace sans trouver jamais nulle part une vie comparable à la vôtre!

Après la formation à peu près définitive de votre Terre, tout est prêt pour la vie qui arrive très vite, à peine quelques centaines de millions d'années. Les hommes se feront attendre plus longtemps, au moins 5 milliards d'années. Et puis, encore 5 milliards d'années et votre soleil disparaîtra, ayant brillé quelques 10 milliards d'années...

J'ai inventé la lumière, le temps, la vie qui est une chaîne articulée d'individus successifs étalés dans le temps. La vie est faite d'individus, mais leur reproduction par la sexualité interviendra assez tard. Elle sera le grand pourvoyeur de l'évolution Le sexe est mon œuvre et mon rival, à la fois mon allié et mon ennemi. Chargé de faire naître des enfants, à travers le plaisir il fera naître bien d'autres choses : des rêves, des chagrins des bonheurs, des romans, des peintures...Les générations successives s'imitent et se combattent. Les enfants sont les surgeons inépuisables d'une vie qui n'en finit pas de se répéter et de changer, et ils sont la mort de leurs parents : la vie c'est aussi la mort.

- A l'arrêt de la lecture, François le scientifique, outré, s'écrie : un manuscrit comme celui-là devrait être interdit! Mais un autre des quatre répondit : - Ne nous disputons pas : nous ne savons presque rien de tout cela. Ni l'origine, ni l'intention... ce document n'est fait que pour obtenir vos opinions, si différentes puissent-elles être...Allons dormir.

Le Sixième jour se lève sur cette remarque : Ce qu'il y a de plus incompréhensible, c'est que le monde soit compréhensible... Et, après la baignade, ils ont envie de se retrouver sous leur figuier pour écouter la suite des confidences de Dieu :

- Et il y a un 3e début : la pensée. Il est plus restreint, car il ne concerne que les hommes. Mais ce début là n'est pas la fin de tout! la pensée est située exclusivement dans un point dérisoire de l'immense univers, ton cerveau. Et chaque cerveau, chaque homme est lui tout seul le centre de ma création. Les autres organes ont aussi leur mécanisme; mais avec plus ou moins de clarté, vous pensez tous. S'il y avait jamais eu de miracle, la pensée en serait un! Que fais-tu quand tu penses?

- Je me souviens, j'imagine, je calcule, j'invente...

- La pensée n'appartient donc qu'à l'homme seul. Entre un chat le plus déluré, un singe savant même, et toi, il y a la pensée, qui est presque une invention aussi prodigieuse que le début du début! Certes l'Univers fonctionne tout seul, mais quelle stérilité! La pensée n'est ni un savoir, une technique, ni une routine... pas une mémoire, ni une imagination... c'est une question sans fin! Et l'Être, c'est-à-dire Moi se construit dans votre pensée. Les rats ou les dauphins, si doués, soient-ils, ne se doutent pas qu'il y a un tout. J'ai pensé l'univers et vous le pensez aussi. Tu es un animal...et tu n'es plus un animal. Tu es autre chose, un presque rien certes, mais un presque tout aussi. Et depuis ta naissance (à peine quelques centaines de milliers d'années) l'histoire s'accélère par ta pensée. Une avalanche d'idées en chaîne se produit grâce à une pensée de plus en plus conquérante. Depuis que les hommes se sont mis à penser, ils sont devenus ce qu'ils devaient être avant d'exister, il son devenus Ma pensée. L'homme parle parce qu'il pense, et il pense parce qu'il parle...

Certes, la parole comme tout le reste, est d'abord un mécanisme...mais elle est aussi de la pensée changée en son. Si la parole que tu entends disparaît aussitôt dite, la pensée, elle, reste et elle laisse des traces dans l'esprit des autres. De plus, la pensée a inventé un instrument formidable de conservation des paroles, l'écriture; elle est comme une pensée au second degré. L'écriture n'a que 5000 ans (presque rien)! Mais le livre a transformé votre monde : vous vivez grâce à lui sur l'acquis des 3000 dernières années... Et déjà tu le sens, cette période est en train de s'achever, et bientôt on dira de ton époque : « C'était l'âge des livres ».

Si tu ne pensais pas, il y aurait encore quelque chose, c'est vrai. Mais ce quelque chose serait peu de chose et n'aurait aucun sens. Et le tout alors ne serait plus rien...

Et ils s'en allèrent encore une fois au royaume des songes...

Alors ce fut la 7e journée de nos vacanciers; et la voix me parlait de nouveau :

- Il y a une histoire parce qu'il y a une pensée. Tu arrives en fanfare, avec tes rêves sans fin, tes désastres, tes désirs... alors tu entreprends de raconter, de chanter , de fixer pour toujours ce qui s'est passé... Et le récit que tu en fais, c'est ce que vous appelez l'histoire. Il y a en réalité deux histoires : la mienne, qui vous est interdite – c'est la seule vraie – et la vôtre, partielle et trompeuse. Car ce que vous aimez à la folie, vous les hommes – et les femmes – c'est de vous occuper de vous-mêmes. Vous ne vous contentez pas (comme les autres êtres vivants) du rôle de spectateurs, vous êtes les acteurs des aventures que vous racontez dans vos livres... comme la panoplie entière de vos rêves impossibles, avortés ou futurs : la liberté!

Parlons-en de votre liberté. Elle vous flatte, vous grise, vous fait tourner la tête. Es-tu vraiment libre? Bien sûr, plus qu'une pierre, que l'eau, que l'arbre...ou le singe. Tu peux te déplacer dans l'espace (à une échelle dérisoire...) et surtout tu penses. Alors tu inventes ton avenir, mais toujours à travers des limites très étroites. La liste des obstacles qui bornent ta liberté est impressionnante, et tu ne peux pas te dépouiller de ta condition de créature limitée par ton corps! Tu ne pourras même jamais voler comme un papillon...

- Et Toi, Seigneur, es-tu vraiment libre? Peux-tu te soustraire à ton éternité, et à ta toute-puissance?

- Oui, une fois au moins, il m'est arrivé de renoncer à mon éternité et à ma toute-puissance, pour m'abaisser jusqu'à vous, mais c'est parmi les mystères dont je ne vais pas débattre avec toi. Tu es une créature magnifique. N'oublie pas, toi qui n'es rien, tu n'es qu'une question parmi d'autres, et Je suis toutes les réponses.

- Je me jetai à terre. Pardonne-moi Seigneur. Je ne suis rien. Tu es Tout.

- Je suis bien seul à être libre et toi, tu l'es à peine, parce qu'attaché à ton corps, mais tu penses que tu es au centre du monde. Tu fais l'histoire, d'accord. Mais l'histoire te fait. C'est un peu d'enfer... Ce qui va t'arriver, tu l'ignores. Tu fais ce que tu peux, et tu t'imagines que tu es libre! Oui, certes, libre d'avancer, de faire ou ne pas faire, de prévoir un peu...mais vous avez beau vous débattre, chacun est prisonnier de son temps. Il est ainsi inimaginable d'accepter aujourd'hui en Occident la monarchie absolue, l'esclavage ou les hauts-de-chausses. Il n'y a pas de domaine où ne règne l'esprit du temps. Au fond, tu n'es libre que dans des carcans...

- Seigneur! Dois-je comprendre que tu crois (comme les marxistes) à un sens de l'histoire?

- Oui, il y a un sens à l'histoire, il y en a même deux : L'histoire va du passé vers l'avenir, mais elle a un autre sens : elle a une signification. Mais il y a une différence entre tes marxistes et moi, c'est que le vrai sens de l'histoire, ni eux, ni vos églises, ni vos prophètes ne le découvriront jamais : car la fin est inéluctable, c'est un secret bien gardé jusqu'à la Fin des temps. Le temps a deux pouvoirs : d'une main il renverse, de l'autre il édifie. L'histoire aussi édifie et renverse. Ce qui fait une vie, ce qui fait l'histoire, c'est le travail des hommes. Car le travail, c'est une malédiction...et c'est une bénédiction!

Tout est bien! C'est le cri de la fin, car c'est un bonheur fou d'être passé dans ce monde qui n'est à peu près rien - mais tout. Un souffle irrépressible vous aura emportés et fait persévérer dans l'être. Ce souffle, c'est le désir, celui qui anime la nature tout entière. Et l'histoire reflète tout ce désir. A long terme, par cette grâce divine dont vous avez tant d'exemples, vous vivez, vous aimez, vous construisez des empires (qui ne manquent jamais de s'écrouler), vous grimpez jusqu'aux sommets, vous tombez dans des abîmes. Et vous recommencez. Vous n'en finissez pas de désirer autre chose...

La jeunesse est une chose charmante, couronnée de fleurs; puis elle se fane et vieillit. Elle est faite pour vieillir, comme le temps pour passer. Toute vieillesse est comme un naufrage... mais déjà d'autres jeunes gens s'agitent au loin. Les hommes rêvent de grandes choses et, souvent ils les font... et les grandes choses s'effondrent. La question est; « Que se passa-t-il après? » et la réponse (toujours la même) est : « L'affaire échoua ». Regarde! L'histoire est une espérance appelée à se changer en ruines, pour repartir de plus belle.

- Ô Seigneur, n'as-tu voulu me parler que pour me désespérer?

- Non, mais j'essaie de te rappeler ce que votre orgueil insensé s'obstine à vous camoufler : l'avenir n'est à personne, car l'avenir est à Dieu.

(Il recommence, dit le scientifique...)

- Que fais-je depuis toujours, dit Dieu, vous le savez bien : J'humilie les puissants et j'exalte les plus humbles. Et je relève les opprimés, tandis que tout ce qui grandit, je le rabaisse. Comme Job sur son fumier qui n'était abandonné qu'en apparence, et qui a ensuite joui plus que personne de mes faveurs retrouvées.

Quand vous faites des projets, vous devriez vous demander d'abord s'ils ne sont pas fumées et vaines songeries. En effet, toute votre histoire a consisté à m'écarter du pouvoir et à vouloir régner à ma place! Et ainsi vous roulez vers des abîmes que vous ne cessez de creuser vous-mêmes. Des hommes paraissent tels des géants, des savants, tous ceux qui cherchent la sagesse, la justice, la vérité...mais ce sont des rêves hors d'atteinte. Ne reste que leur recherche sans fin.

C'est la science. Vos savants l'ont emporté sur vos capitaines et vos princes, sur vos prophètes et vos sages. Et maintenant tout se passe comme si vous étiez en train de prendre mon relais...

(et Dieu poursuit tristement avec un peu d'amertume)

... Je régnais seul. Et puis j'ai régné avec vous. J'ai beaucoup aimé cette histoire que nous avons parcourue ensemble... mais voilà que vous voulez maintenant régner seuls et sans moi. Parce que vous avez réussi à percer quelques mécanismes dont je me suis servi pour créer ce monde, vous pensez pouvoir vous passer de moi. Le sexe, la violence, l'amour de l'argent... je m'en tape pas mal... Mais l'orgueil; le seul péché depuis toujours, l'orgueil qui s'est emparé de vous et vous a rendus fous. Je suis devenu pour vous « une hypothèse inutile »!

- Vous avez tout pour vous, parce que je vous avais tout donné. Je vous ai rendus maître de votre planète comme promis, mais l'orgueil vous a emportés. Il mène contre la nature et contre moi une guerre d'extermination.

(Sa voix gronda dans la nuit)...

- Je vous ai fait libres, juste assez pour vous écarter de moi. Et bien assez pour que vous réussissiez à vous détruire. Même ce cri a retenti parmi vous; « Dieu est mort! ». Mais il ne peut pas mourir : Il est! Les hommes eux vont tous mourir; et certains ne seront plus qu'un nom qui aura passé dans l'histoire. Un jour, il n'y aura plus personne, sauf Moi. Vous étiez mon rêve, et vous auriez pu faire encore tant de belles choses... mais l'orgueil, votre orgueil... Que vous finissiez par cet orgueil qui est mon ennemi de toujours et qu'incarnait Lucifer (jusque dans vos bandes dessinées), c'est la pire de mes douleurs. Bien sûr, votre mort prématurée sera très loin de sonner le glas d'un tout qui se poursuivra sans vous, mais j'avais mis en vous tant d'espérance et d'amour que j'éprouverai quelque chose qui ressemblera à ce que vous appelez du désespoir.

- Je me traînais à terre, et dans ma tristesse des larmes ruisselaient sur mon visage endormi...

Et je me réveillai le 8e jour de notre escapade méditerranéenne.

C'était le jour du départ, nos bagages étaient bouclés. Les vacances sont une île. Il ne restait encore que quelques pages de mon document à lire...

- Simon, je suis ton Seigneur et ton Dieu, le Dieu de ton enfance et de tes ancêtres. Connais-tu encore mes lois, ou les as-tu oubliées?

- Seigneur, tu le sais bien : je ne sais rien.

- Ma loi est très simple et très brève.

- Je ne me souviens que d'une phrase : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de tout ton esprit »

- C'est l'essentiel. Et encore?

- Ah oui! « Tu aimeras les autres comme toi-même. »

- Eh bien, voilà : voilà la loi et les prophètes. Simon, il faut aimer ton créateur.

- Seigneur, je vivais très bien sans toi jusqu'à ton irruption dans mes nuits et dans mes rêves. Pourquoi faut-il me mettre maintenant à aimer un créateur dont je ne m'occupais pas?

- Pourquoi? Mais parce que tu lui dois TOUT : les étoiles que tu vois, la pensée en toi, la lumière, le temps... les villages sur tes routes, les fleurs des champs... et parce que tu aimes ton créateur, il faut aimer ses créatures. Le reste n'a pas beaucoup d'importance; la morale n'est pas mon fort. Mais j'ai beaucoup aimé mes créatures. Depuis des milliards de vos années ce que vous appelez l'évolution est toujours allée dans le même sens, et je n'ai jamais cessé dans l'ombre de jouer votre jeu.

Hasard... vous avez dit hasard? Mais un millimètre de plus un milligramme de moins et tout s'écroulait! Vous, les fruits du hasard? Vous voulez rire. Je vous ai au contraire prémuni contre lui. Et je vous protégerai toujours même contre vous-mêmes...

- Ah! Voilà, (dit le scientifique, François), voilà le refrain et l'essence même de toute pensée réactionnaire! Je crois et j'espère au contraire que nous sommes les enfants du hasard; et je souhaite ardemment que personne ne se mêle de mes affaires, et que personne ne décide à ma place de ce qui est bien et ce qui est mal. Tout ce que raconte votre Simon n'est que pure affabulation. Il n'y a pas d'esprit universel. Personne ne nous a créés, personne ne s'occupe de nous et personne ne nous attend. Je crois aux hommes et seulement aux hommes.

- Certes, dit Dieu, vous avez fait dans le passé des choses magnifiques et vous en ferez encore dans l'avenir... mais ma loi demeure. Vous allez vers l'avenir les yeux bandés, vous détruisez la beauté de la nature, vous vous massacrez les uns les autres, et vous construisez des pyramides, des tours des ponts, des laboratoires où vous mimez ma création. Et vous peignez de belles œuvres d'art, et composez des cantates. Crois-tu que j'ignore ce que je dois à Bach ou à Mozart? ...Tous, vous avez quelque chose de divin qui vous permet de participer à ma création.

- Ce que j'admire surtout chez les hommes, (dit François en coupant sa lecture), c'est leur solitude et leur courage. Ils n'ont rien ni personne pour leur servir de modèle, et ils inventent chaque matin ce qu'ils feront plus tard.

- Mais si Je n'étais pas là, il n'y aurait dans le monde ni grâce ni pardon, ni grandeur, ni amour. Et d'où crois-tu que vous vient l'élan qui vous pousse vers la beauté, la pitié, le sacrifice?

- Des hommes dit François. Ils sont seuls dans un monde absurde, et il n'y a que leur action pour lui donner un sens.

- Je suis le Dieu caché, réfugié dans mes lois, pour juste vous permettre de me nier ou de me découvrir...Le mal est un mystère; le monde est un mystère; Je suis moi-même un mystère. Et il ne sera pas dissipé avant la fin des temps. Car si je me découvrais à vous, le monde s'arrêterait. Il n'aurait plus de raison d'être. Ce serait la fin des temps.

Mais vous ne cesserez jamais de me chercher. La meilleure preuve de Dieu ce ne sont pas les miracles, les prophètes, les martyrs, les conciles, les débats... c'est votre inquiétude et votre chagrin. Et c'est votre espérance. Oui, je suis le Dieu de l'ombre et du jour, le Dieu du savoir et du doute. Je suis la sagesse et je suis la folie. Et je suis dans le rire des enfants... et dans les idées des grands sages de votre histoire.

- Toi Simon, tu continueras sans mes rêves désormais, mais tu te souviendras de mes paroles, et quand tu liras des mots qui t'élèveront au-dessus de toi-même, tu sauras que c'est Moi. Il ne sert à rien de crier « Seigneur, Seigneur! » Il est trop facile d'aimer qui est toujours ailleurs. Il faut aimer ceux qui sont là, autour de toi, avec toi. La tendresse, la générosité, le courage seront toujours parmi vous. Ils appartiennent aussi à l'histoire.

Je rêvais. Le monde était la musique et la parole de Dieu...

Je me réveillai. Le monde était plein de lumière. Je ne craignais plus la mort. Les autres me ressemblaient. Je me jetai sur un carnet et j'écrivis :

« Je suis un homme de Dieu. Je n'y peux rien : un ange m'a touché de son aile... »

- Vite, le bateau nous attend!

... Nous avions passé huit jours sur cette île, tous les quatre, avec Simon et ses rêves peuplés de Dieu.

FIN

 

|| Accueil || L'Auteur ||
|| Question du mois || Publications || Résumés de livres || Témoignages ||
|| Genèse ET Science || Initiatives || Proche-Orient || Club Science-Foi || Liens ||

Tous droits réservés © Philippe Gold-Aubert (1998-2009)
Design et conception - Natmark-Concept inc.