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questions >>> Q27 – L'homéopathie... une science ou une utopie? 1. Introduction Pour diverses raisons, l'homéopathie est à nouveau sur la sellette dans l'actualité, faute de pouvoir prouver scientifiquement son efficacité. Des milliers de livres et d'articles retraçant sa théorie, la défendant ou la négativant tour à tour, existent, et je n'aurais pas la prétention de tout résumer dans ce bref aperçu. Mais, comme j'ai passé toute ma vie professionnelle dans la recherche pharmacologique, je puis au moins exprimer ce que j'en pense, le plus impartialement possible, ayant expérimenté de très nombreuses médications en divers laboratoires. Que demande-t-on d'un médicament?
J'ai assisté, durant ma longue carrière (de 1945 à 1988) au développement continu et considérable de la pharmacologie, à partir de ce qui n'était au début qu'une approximation, et qui est devenu une science et une puissance économique importante, en un demi-siècle. Dans mes débuts, on pouvait créer un nouveau médicament sans trop de peine. Les contrôles étaient simples, et le temps et les moyens pour y parvenir se limitaient à 2-3 ans, avant la commercialisation... Aujourd'hui, la mise sur le marché d'un nouveau médicament demande des années et des millions d'investissements et... que de désenchantements! 2. L'homéopathie L'homéopathie est un système thérapeutique original créé en 1807 par un médecin allemand, Christian Frédéric Samuel Hahnemann, né le 10 avril 1755 à Meissen en Saxe, et mort à Paris le 2 juillet 1843. Il en avait eu l'intuition 17 ans plus tôt déjà, déçu qu'il était de la médecine officielle et de la non reconnaissance de ses collègues devant ses idées novatrices. Il était persuadé que l'écorce de quinquina (un antipyrétique) agissait comme un toxique stimulant chez l'homme fiévreux – car il en avait fait l'expérience sur lui-même (1) : « L'écorce péruvienne, qui est utilisée comme remède contre la fièvre intermittente, agit parce qu'elle peut produire des symptômes similaires à ceux de la fièvre intermittente chez l'homme sain. » Se basant donc sur quelques expériences personnelles de ce type effectuées sur lui-même, il établit son fameux 1er « principe de similitude », selon lequel « le semblable guérit le semblable » (similia similibus curentur). Ce principe de similitude était déjà proposé dans les médecines populaires du Tibet, de la Chine et de l'Arabie, et il fut connu d'Hippocrate et de Paracelse. Hahnemann le reprit et en systématisa l'application à d'autres drogues aussi toxiques que le quinquina : l'aconit, la belladone, la jusquiame, le mercure, etc., etc., puis à des substances ou des plantes courantes, atoxiques et inefficaces par elles-mêmes. La règle de la similitude est donc le noyau dur de l'homéopathie, dont l'étymologie vient du grec « homoion » (semblable) et « pathos » (maladie) selon M. Heide. (2) Sûr de détenir la vérité, il exprime ce principe de similitude (3) : « ...pour guérir radicalement certaines affections chroniques, on doit chercher des remèdes qui provoquent ordinairement dans l'organisme humain une maladie analogue, et le plus analogue qu'il est possible... » Cependant, constatant que des doses actives de toxiques aggravaient souvent l'état du malade, Hahnemann décida de diluer considérablement les doses des « remèdes » toxiques administrés. Il introduisit alors son 2e principe : l'effet des doses infinitésimales. La dilution aurait des effets dynamisants, comme démultiplicateurs. Donc, plus on dilue la substance active, plus elle devient efficace. En diluant de 10 en 10 fois, on atteint assez rapidement le moment où il n'y a même plus aucune « molécule » de produit « actif »... À la dilution C30 ou plus (!) certains adeptes, comme R.E. Dudgeon et al (4) reconnaissent qu'à de telles dilutions aucun effet n'est possible : « ... Je pense que la plupart d'entre nous pourraient en prendre jusqu'au jugement dernier sans produire le moindre effet... ou, à moins que nous soyons en état constant de clairvoyance mesmérique... » Jusque là, tous les homéopathes souscrivaient à ses idées; mais à partir de 1828, lorsque parurent les 4 volumes des « Maladies chroniques », se produisit un schisme d'envergure parmi eux. En effet, affirmer qu'en diluant de plus en plus – et à l'extrême – la substance toxique devait rendre la médication de plus en plus active, cela choquait le bon sens même. Mais malgré ces défections, l'homéopathie devint une doctrine mondialement admise, en Europe et surtout aux USA où, vers 1860, 13 000 médecins dans 74 Hôpitaux homéopathiques fonctionnaient à plein régime (aujourd'hui, seuls quelques centaines de médecins y pratiquent encore l'homéopathie, alors qu'en France et en Allemagne, elle compte encore des milliers de médecins spécialistes). Devant ces objections, Hahnemann introduisit alors son 3e principe : la dynamique de la dilution. C'est un principe spirituel. Il faut préciser que Hahnemann est admirateur de Goethe, son contemporain, l'ami de Mesmer – lui-même férocement antichrétien – franc-maçon et libre penseur, tenant Jésus comme un « superinitié »; de plus, l'auteur est lié aux spiritualités orientales, et principalement à Confucius... (5) (6) (7) Selon cette théorie, on nous affirme (8) (9) : « Les dilutions infinitésimales gardent leur potentialité même si, dans le solvant, ne se retrouve aucune molécule de la substance de base...Tout se passe comme si le solvant gardait en mémoire, pour chaque dilution, la structure de la dilution précédente. » L'application technique est la suivante : à chaque dilution, il faut agiter de façon sacramentelle précise la solution de plus en plus diluée, pour lui assurer son « énergie potentielle »... L'auteur parle de l'« énergie vitale immatérielle » sur laquelle agirait l'énergie des substances ainsi dynamisées, conjointement aux « Forces du monde éthérique ».(10) Pour le 150e anniversaire de l'« Organon » (l'ouvrage de base de Hahnemann), le Dr. Gigliardi de Rome y a proclamé : « On a beau refuser tel ou tel des principes énoncés dans l'Organon, il en reste toujours assez pour reconnaître l'intuition inépuisable et l'esprit divinatoire de son auteur. » On est en pleine conception spirituelle panthéiste, mais elle n'est certainement pas chrétienne. 3. Les avances de la pharmacologie au 20e siècle Au début de ma vie professionnelle, beaucoup d'empirisme présidait à nos pharmacopées. Toutes étaient issues de pratiques expérimentales issues des coutumes de nos ancêtres. Peu de vérifications sérieuses existaient, et l'homéopathie bénéficiait naturellement de ces circonstances. Mais par ses errements même (en particulier ses idées hallucinantes sur les effets positifs des dilutions à la limite d'effets matériellement possibles) elle allait pousser à des vérifications d'efficacité qui ont bouleversé aussi ce que Hahnemann a appelé alors l' « allopathie » (ou la thérapie par hautes doses de substances actives s'opposant aux maladies). Dès lors en effet, un nombre considérable de tests comparatifs et en double aveugle ont été exigés pour confirmer l'effet d'un médicament et sa toxicité sur le vivant. D'abord sur les animaux, ensuite sur les humains. La lutte systématique et sentimentale contre l'expérimentation animale a freiné beaucoup de tests qu'on n'a encore pas pu remplacer par l'ordinateur (comme le prétendent les écologistes à tout crin). Seul un être vivant peut en effet, par ses mécanismes vitaux, s'approcher de la réalité des effets pharmacologiques et de la toxicité chez l'homme. Et on ne peut décemment les effectuer chez des êtres humains, comme les Allemands nazis le firent pendant la guerre de 39-45. Un exemple simple d'une action générale qui peut être comprise de chacun est l'effet analgésique. La lutte contre la douleur (qui reste par ailleurs un moyen merveilleux de nous avertir d'une perturbation dans notre organisme) devient indispensable, dans les maladies chroniques, et surtout dans l'âge avancé qui caractérise notre civilisation moderne. Après 60 ans environ, toutes sortes de douleurs « inutiles », du type rhumatismal ou analogues, nous frappent à coup sûr. Nous devenons des « tamalous? » (t'as mal où) qui parlent à des « jébobola » (j'ai bobo là) ... et il faut bien trouver le moyen de vivre avec! Or, qu'utiliser pour atténuer cet instrument de dépression qui s'appelle la douleur? De l'homéopathie? Ou de l'allopathie, ou des thérapies ancestrales par les plantes, ou des pratiques plus ou moins ésotériques? Nous savons tous que si nous avons une vive douleur, nous prenons de l'aspirine ou d'autres analgésiques. Une rage de dents, nous essayons d'y parer au plus vite, en attendant un rendez-vous (à date souvent problématique) chez notre dentiste. Parce que « ça agit ». Certes, on pourrait aussi utiliser une décoction de saule, ou du vieux salicylate... mais les recherches ont permis d'élaborer l'acide acétylsalicylique il y a100 ans environ, (11) bien plus active, sous le nom d'aspirine. Mais l'aspirine présente des effets secondaires si importants que jamais elle ne passerait les tests actuels des organismes de contrôle des médicaments... Alors, on cherche selon les principes de mon introduction : - a) un produit plus actif - b) un produit plus spécifique avec peu d'effets secondaires - c) un produit qui serait financièrement rentabilisable par un brevet. En effet, les recherches deviennent de plus en plus dispendieuses (diraient nos amis canadiens)! S'il fallait 1 million d'investissements pour lancer un médicament dans ma jeunesse, il faut plus de 100 millions actuellement, pour oser lancer une nouvelle molécule active, au vu des contrôles inouïs qui sont exigés... Et seuls de solides brevets et de grandes entreprises permettent, durant 20 ans seulement, de rentabiliser éventuellement de tels travaux. Les petites firmes ne peuvent donc plus faire de recherches pour des molécules nouvelles; elles se contentent d'exploiter des associations diverses, plus ou moins judicieuses, mais dont leurs avantages sont aussi difficiles à démontrer, tant en ce qui concerne leur activité que leur absence d'effets secondaires importants. Or, toutes ces vérifications n'évitent pas, qu'après une utilisation générale planétaire, certaines molécules doivent être retirées de temps en temps définitivement du commerce avec des pertes considérables pour l'entreprise, parce que sur la masse des patients soignés, certains ont présenté des troubles inattendus qui ont échappé à tous les critères des contrôleurs, et à tous les échelons, avant leur commercialisation... On voit combien il est donc difficile de nos jours de progresser encore... contre la douleur (pour continuer notre exemple d'une activité pourtant « facile » à contrôler!). Or, l'homéopathie qui date du 19e siècle, ou la thérapie par les plantes ancestrales, ou d'autres systèmes paramédicaux, échappent totalement à tous les contrôles ci-dessus. Il n'y a strictement rien de scientifiquement démontrable ni dans l'efficacité, ni dans l'innocuité de telles « médications »! En faveur des plantes seulement (11), on peut prouver une certaine efficacité, mais souvent bien faible, et avec l'absorption de ballast inutile, dont on ne sait rien concernant ses effets secondaires. On concentre alors le principe actif, et si possible l'isole, et on augmente son activité par des synthèses nouvelles, en choisissant les moins toxiques, ce qui représente de très gros travaux. L'homéopathie, qui nous concerne plus particulièrement ici, a été contrôlée à ce point de vue en proposant des milliers de tests et d'expériences, mais son efficacité n'a jamais pu être démontrée sérieusement. Parmi ces essais, citons au hasard ceux résumés en détails par C. Wesselhoeft, avec la collaboration d'étudiants intelligents en pleine activité.(12) L'auteur doit bien constater que beaucoup d'effets secondaires décrits dans ces essais en simple ou en double aveugle sont valables, aussi bien pour les placebos que pour la « drogue » testée. Sans compter l'influence personnelle de l'expérimentateur... Il conclut : « Je décidai alors d'étudier les sensations sur 16 étudiants (11 femmes et 5 hommes) à qui je donnais des granules de sucre de lait sans le leur dire. Ils présentèrent 919 symptômes, tous sans avoir pris un quelconque remède... L'objectif était ensuite de faire l'expérience avec la drogue elle-même, et troisièmement, d'éliminer soigneusement de l'expérimentation les symptômes propres à l'expérimentateur, et non à la drogue. » Résultat : aucune différence entre la « drogue » homéopathique et le placebo de sucre. Ajoutons qu'actuellement, on exige des tests en double aveugle, non plus sur 16 personnes, mais sur des centaines ou des milliers de patients!... Ces tests ne sont exigés que pour les médications dites « allopathiques », mais jamais pour les médications dites « homéopathiques »! L'ouvrage cité, de Jean-Jacques Aulas (1) a recueilli plus de 500 références et reproduit intégralement divers articles avant d'exprimer impartialement ses conclusions négatives, quant à la démonstration de l'efficacité de l'homéopathie. Mais est-ce à dire que l'homéopathie serait au moins dépourvue de dangers, puisque tellement inactive? Il reste sur ce point trois avertissements qu'il ne faut pas négliger :
4. Conclusions L'homéopathie n'est pas une science démontrable. Elle est issue de l'imagination d'un médecin contesté, qui a reçu on ne sait comment et de qui (?) une doctrine contraire au bon sens élémentaire : savoir que des dilutions à l'infini seraient plus actives que des « drogues » en dosages contrôlables. Elle « fait du bien » pourtant à beaucoup de « malades », par des effets placebos (parce qu'ils prennent quelque chose), ou par l'autosuggestion inspirée par leur thérapeute. Mais cette « thérapie » n'est cependant pas sans danger. Pourtant – seulement en France – environ 3000 médecins l'utilisent, souvent avec de « l'allopathie » usuelle, ou en complément. D'autre part également, au moins 3000 guérisseurs (plus ou moins autorisés) soignent eux aussi par l'homéopathie, avec d'autres pratiques douteuses (pendule, etc.) Des sommes considérables sont donc en jeu. Les praticiens l'utilisent également, pensant que ça ne peut pas faire de mal à leur patient, ou parce qu'ils croient que ce sont des « médicaments » qui agiraient sur l'organisme, par stimulation des défenses – au moins aux doses inférieures à D30 - un peu comme une vaccination (!). Mais même la loi de similitude (base de la théorie d'Hahnemann) est elle-même contestable, selon J. Lecomte :(13) « La loi de similitude n'a aucune base expérimentale; elle n'a aucun caractère de généralité, ni aucune valeur prédictive... Que ce soit en pathologie, que ce soit en thérapeutique, il n'existe pas de loi de similitude. » Certes, l'homéopathie remet en évidence l'individu, le souci de traiter UN malade – mais ce souci existe aussi chez tout médecin sérieux de son art. Elle vise à « assainir le terrain » du malade, mais elle échappe aussi à tout contrôle d'études comparées, statistiquement significatives. Enfin, le fait de la préparation par agitation des solutions pour les « dynamiser » nous obligerait à admettre que le solvant a une mémoire, assertion encore plus improuvable s'il est possible, que l'activité douteuse de ces préparations... Enfin, il faut aussi considérer le domaine de la foi. Mais de quelle foi s'agit-il? Celle en ce système de thérapie, celle dans le thérapeute, ou celle au Dieu de Jésus-Christ? a) la foi en ce système thérapeutique? Souvent, on écoute le témoignage de quelqu'un qui aurait été guéri ou soulagé par un médicament homéopathique. Mais il faut bien savoir qu'en réalité statistique l'efficacité de ces traitements n'est pas supérieure à celle de l'administration de placebos inactifs. Pourtant ces placebos eux aussi peuvent « guérir » 25-40 % des patients, suivant la maladie ainsi traitée! Le risque de se mettre à suivre de telles méthodes de soins, à caractère magique, est grand, en faisant dévier notre foi vers de fausses sécurités. b) la foi dans le thérapeute? On a constaté combien l'influence du soignant, médecin, infirmière, guérisseur, etc. est importante, pour le succès de n'importe quelle thérapie. Elle suffit aussi par son support à rétablir un bon nombre de patients pour certaines maladies bénignes... Mais le thérapeute est faillible, il peut tout à coup décevoir le patient, et la foi en lui s'écroule. J'ai bien connu un médecin qui nous demandait de fabriquer des placebos sous forme de dragées de diverses couleurs (verts, rouges, jaunes ou blancs), car disait-il : « Mes patients ont confiance en moi, et je leur donne ces comprimés, en remarquant que la couleur a une importance différente dans les effets, pour les uns ou pour les autres »... c) la foi aux promesses de la Bible? Beaucoup de témoignages de guérisons figurent dans nos bibles, qui ont été la conséquence d'une foi sincère en Dieu ou en Jésus-Christ. De plus, des témoins actuels sont aussi là pour nous aider à croire en Celui à qui tout pouvoir a été donné dans le ciel et sur la Terre. (14) J'ajoute qu'un homme d'expérience, M. H. Horsch, droguiste à Heiden, nous dit aussi dans un courageux témoignage, les raisons spirituelles qui l'ont poussé à renoncer de vendre des produits homéopathiques dans sa droguerie, bien qu'il soit un naturopathe cantonal reconnu.(15) Il ne faut pas oublier non plus que Dieu parle aussi à travers les épreuves, et par les maladies en particulier. Le Seigneur Lui-même n'est-t-il pas préfiguré par le prophète Ésaïe,(16) comme l'Homme de douleur? Et sur la croix n'a-t-il pas refusé l'éponge de vinaigre qu'on lui tendait pour soulager son agonie? Mais il devait aller au bout de ses souffrances à Golgotha. C'est là qu'Il a été meurtri pour nos iniquités, en portant tout sur Lui, pour réaliser le plan merveilleusement rédempteur de Dieu, dont nous pouvons bénéficier maintenant gratuitement... Oui, c'est bien en Lui seul que nous pouvons placer notre Foi! Et parfois, nous pouvons aussi voir se réaliser ses promesses de guérisons physiques, psychiques ou spirituelles, selon ce qu'en dit l'apôtre Jacques.(17) Cependant si... pour le vieux « tamalou » que je suis (!), des douleurs tenaces deviennent chroniques et intenables, il est bien agréable d'utiliser les méthodes modernes de soulagement que nous offre la panoplie des médicaments dits « allopathiques » bien contrôlés, dont nous avons le bonheur de disposer actuellement! Bibliographie citée et notes :
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